El Marco Modérateur

3219 votes

  • Sky-High Survival tome 4

    Tsuina Miura, Takahiro Oba

    8/10 Toujours cet univers si particulier des toits d’immeubles japonais et de ces personnages psychopathes, dont l’entame fait la part belle à cet incroyable sniper masqué, immédiatement confronté à un adversaire se trimballant un bouclier le protégeant des balles. Le boucher collectionneur de têtes réapparaît. Un graphisme magnifique, jusque dans le moindre des détails, beaucoup de suspense et de mystère, pour cet opus où les humains peuvent également être des ennemis, et où apparaît un autre tueur masqué rudement efficace, un motard très doué en boxe.

    16/07/2019 à 23:28 1

  • Sky-High Survival tome 5

    Tsuina Miura, Takahiro Oba

    7/10 La confrontation avec le motard masqué et expert en pugilat tient toutes ses promesses face à la provisoirement masquée Nise. Une doctoresse capable de donner des ordres aux psychopathes masqués (notamment cette domestique redoutable) fait son entrée, Kazuma Aohara, tandis que le sniper commence à marquer des signes d’affection pour Kuon. Toujours pas mal d’action (avec notamment ce moine bouddhiste, masqué et karatéka), même s’il y en a un peu moins que dans les opus précédents. Un ouvrage de transition à mes yeux, moins axé sur la baston, mais offrant quelques jalons pour faire progresser la série.

    16/07/2019 à 23:29

  • Sky-High Survival tome 6

    Tsuina Miura, Takahiro Oba

    7/10 Les questions s’accumulent autour de ce « Dieu » qui semble être le but ultime de cet univers mystérieux. Un tueur masqué en imperméable apparaissant dans une bibliothèque et utilisant une batte de baseball, face auquel Nise va éprouver de grandes difficultés, et le sniper commence à se souvenir de son propre passé, en rapport avec deux étrangers masqués : une policière et un nageur aux dimensions colossales. La série semble avoir définitivement posé ses fondations et ne surprend donc guère pour le moment, mais le suspense demeure au rendez-vous.

    16/07/2019 à 23:30

  • Sky-High Survival tome 7

    Tsuina Miura, Takahiro Oba

    7/10 Nise semble rester sous le contrôle du masque qu’elle a porté et entre en hibernation, tandis que sa camarade rencontre la porteuse d’un masque différent des autres. Beaucoup moins d’action dans cet opus malgré quelques scènes d’un bon suspense (comme la montée de l’échelle) tandis que Yuri utilise un masque pour affronter un tueur muni d’une seringue. Un épisode un peu plus « statique » que les autres, mais l’apparition de nombreux tueurs masqués et une – maigre – progression dans l’histoire maintiennent amplement l’attention.

    16/07/2019 à 23:30

  • Sky-High Survival tome 8

    Tsuina Miura, Takahiro Oba

    7/10 Une belle entame avec une bagarre serrée contre plusieurs psychopathes masqués, notamment un pugiliste redoutable. Ayant lâché la série depuis déjà pas mal de mois, j’ai eu un peu de mal à me retrouver entre les différents personnages. L’enlèvement de Rika Honjo apporte du souffle à l’intrigue, mais à titre très personnel, cette série a un peu perdu de son attrait et de sa magie, peut-être parce que je l’aurais souhaitée plus resserrée, qu’elle aurait mérité de tenir en moins de tomes.

    08/11/2020 à 18:39 1

  • Sky-High Survival tome 9

    Tsuina Miura, Takahiro Oba

    6/10 Rika Honjo et son accompagnateur arrivent dans un salon du building où les attend celui qui semble mener ce petit jeu de massacre en milieu surélevé. Un début un peu bavard, mais quand le donneur d’ordres – anciennement professeur en lycée – s’éclipse, de nouveaux masques apparaissent et s’amorce un chouette duel de snipers. Le graphisme est toujours aussi séduisant au même titre que l’intrigue originelle, mais comme je le disais dans mon précédent vote – qui remonte tout de même à un bail, près de trois ans et demi –, j’aurais préféré moins de tomes pour une intrigue plus resserrée.

    15/04/2024 à 18:32 1

  • Ajin tome 1

    Tsuina Miura, Gamon Sakurai

    7/10 Un étrange mélange de fantastique, de suspense et d’horreur, avec pas mal de combats à la clef, et aussi des bases solides établies pour la suite de la série. Un graphisme sombre, des ambiances anxiogènes, et une utilisation certes peu originale mais bien menée du thème du complot et des expérimentations.

    23/05/2017 à 18:35 1

  • Ajin tome 3

    Tsuina Miura, Gamon Sakurai

    7/10 Un ouvrage dense et mené à un rythme frénétique, qui se divise finalement en deux parties : l’évasion de Kei du centre et quelques cercles habilement dessinés autour de la manipulation et des expérimentations. Des scènes de combats habilement menées, un graphisme nerveux, et même si le scénario passe au second plan derrière l’action pure, un délassement prenant et efficace.

    29/07/2017 à 08:20 1

  • Monju tome 1

    Hiroki Miyashita

    6/10 Junpei Yamagishi et Monju forment un étrange duo de policiers : le premier est gentiment fripon et obnubilé par la perte de ses cheveux, tandis que le second est… un robot. Relégués au fin fond de la campagne, ils s’ennuient ferme. Monju a des qualités presque chevaleresques, mais Junpei se montre si attiré par le sexe opposé qu’on en vient à penser qu’il s’agit d’un voyeur qui agit dans les parages. Pas mal d’humour et de décontraction dans ce premier opus d’une série que je découvre à peine, avec Junpei qui n’est que le faire-valoir du robot, délicieusement en décalage avec le poste où on l’a affecté, lui qui est si efficace, voire capable de justices particulièrement expéditives. C’est assez sympathique à lire, mais en l’absence de véritable intrigue qui servirait de colonne vertébrale, ni même d’une succession de petites intrigues éparses (à part peut-être la faiblarde histoire de prise d’otages sur la fin) façon Détective Conan, j’ai encore du mal à compléter accrocher à la série, et je verrai bien avec les tomes suivants.

    05/07/2020 à 19:41 1

  • Moriarty tome 1

    Hikaru Miyoshi, Ryosuke Takeuchi

    7/10 Un graphisme splendide et très délicat, très typé manga, qui s’intéresse à la genèse de l’ennemi juré de Sherlock Holmes, à savoir William Moriarty. Dans cette société des années 1860, quatre catégories marquent la pyramide sociale, et la famille noble Moriarty a pris sous son aile deux orphelins, William et Louis. Albert, fils aîné de la dynastie, va montrer très tôt un puissant caractère, un comportement meurtrier, et avoir envie à la fois de renverser l’Empire britannique, changer cette société inégalitaire et se débarrasser de ses parents et des autres domestiques, entraînant dans son sillage ses deux frères. Treize ans plus tard, William est devenu professeur à l’université, mais également ce qu’il appelle un « consultant du crime » pour infliger des châtiments à ceux qui jouissent trop de leur position et de leur fortune pour s’en prendre aux plus faibles, dont le premier sera ce Baron Dublin. Un manga très agréable à lire, d’autant que le nombre de tomes déjà parus au Japon laisse sous-entendre qu’il y aura encore bien des mystères et des intrigues, et j’attends de pied ferme l’arrivée de Sherlock Holmes. Cependant, j’ai moins accroché à l’esthétique globale, certes magnifique, mais trop lisse, proprette, où les Moriarty se ressemblent tous un peu trop, sans compter la nette féminité de leurs traits, qui fait qu’il est très facile de les confondre.

    24/07/2019 à 08:33

  • Sans temps de latitude

    Francis Mizio

    3/10 Une intrigue assez foutraque, avec beaucoup d’éléments qui ne se relient qu’à la fin du roman. Même si tout y est rondement mené, je n’y ai jamais cru. Tout y est trop léger, et le ton badin côtoie trop souvent le burlesque, voire le grotesque, pour ne pas y sombrer.

    30/06/2014 à 18:45 3

  • Parasite Reversi tome 1

    Ohta Moare

    8/10 Trois victimes démembrées dans un parking souterrain : c’est ce que découvre le jeune Tatsuki, un témoin qui est calme, bien trop calme aux yeux des enquêteurs Fukami et Masuda, et qui prétend ne pas avoir vu le visage de l’assassin. Ce massacre rappelle méchamment des boucheries qui ont déjà ensanglanté le Japon précédemment. Suspicieux, les deux policiers se rendent compte que Tatsuki est vraiment étrange, et son père et ses amis également. Les enquêteurs tombent un piège et Masuda est littéralement découpé sur place par un inconnu qui prend aussitôt la forme d’un monstre. Un premier opus très sombre, fort et prenant, particulièrement cinématographique et au suspense engageant, le tout souligné par un graphisme mûr et épuré qui appuie avec intelligence sur le côté fantastique et horrifique sans pour autant tomber dans le crade.

    25/01/2022 à 19:01 2

  • Parasite Reversi tome 2

    Ohta Moare

    8/10 Une entame intéressante : un calme apparent, une forme de mollesse, et deux personnes zigouillées par l’un des monstres avec une impassibilité pas possible, sans outrance ni sang. Hirokawa, le conseiller municipal et père de Tatsuki, et ses sbires semblent œuvrer pour un projet où l’espèce humaine, pollueuse et encombrante, n’a pas sa place, et Ichinose, le nouvel équipier de Fukami, s’illustre rapidement par sa violence. Une série qui continue de me séduire : un ton étrange, des horreurs montrées pourtant sans la moindre goutte de sang ni surabondance de violence, des planches sans dialogue et des visages atones alors que l’ambiance n’en demeure pas moins pesante… Un régal d’originalité dans la forme, moins dans le fond, mais la première, qui intrigue, l’emporte amplement sur la seconde.

    24/02/2022 à 20:00 2

  • Parasite Reversi tome 3

    Ohta Moare

    7/10 … où il est rapidement question d’un Sredni Vashtar, une sorte de divinité qui serait le leader des créatures. Ce troisième tome s’intéresse davantage à ces bestioles tandis que la police enquête sur l’une de ses dernières victimes alors que le modus operandi du meurtrier intrigue sacrément (une seule plaie thoracique mais un cœur découpé en morceaux à l’intérieur du corps). Ichinose, le nouveau collègue de Fukami, va faire une apparition éclair mais marquante. Fukami comprend le talent si particulier de Tatsuki alors que la menace d’une prédation à très grande échelle émerge. Un peu moins dynamique que les précédents opus, certes, mais l’intrigue se creuse et l’ambiance demeure agréablement efficace et inquiétante.

    11/03/2022 à 15:23 2

  • Parasite Reversi tome 4

    Ohta Moare

    7/10 Une entame à l’image des précédents tomes : graphiquement sage mais foncièrement assez puissante, avec cet individu qui s’avère être une des créatures. Le dénommé Ebisawa dévoile sa technique de combat (connue, avec le découpage en règle). Un rythme assez lent mais qui colle bien à l’étude psychologique (notamment la relation père-fils) tandis que les monstres tissent tranquillement la toile de leur invasion silencieuse. L’arrivée de ce Fukami, médium, vient clore habilement cet opus très plaisant.

    18/06/2022 à 08:19 2

  • Parasite Reversi tome 5

    Ohta Moare

    7/10 J’avais un peu perdu les tenants et aboutissants de l’intrigue vu que cela fait déjà plus d’un an que je n’ai pas remis mon nez dans cette série, mais je retrouve au moins l’intelligence du graphisme (apparemment calme et atone, mais singulièrement soigné et réussi) tandis que Tatsuki affronte à l’aide d’un arc et de flèches le terrible Ebisawa. Le rythme se poursuit tranquillement, sans coup de sang ni réelle fièvre, et l’on suit avec intérêt cette paisible invasion de ces nuisibles tandis que les humains cherchent les moyens d’y mettre un terme.

    10/02/2024 à 18:29 2

  • Blackout Baby

    Michel Moatti

    9/10 Dans le Londres de ce début 1942, la Luftwaffe n’est pas nécessairement l’ennemi le plus angoissant. Un individu, que la presse surnomme déjà le Blackout Ripper, massacre des femmes. Un cabinet réunissant des élites politiques et policières craint qu’il s’agisse de l’œuvre d’une cinquième colonne, de communistes, ou de suppôts nazis, afin de terroriser la population. Un ancien policier, Walter Dew, va rencontrer Amelia Pritlowe, afin qu’elle l’aide à arrêter ce monstre. Car il se pourrait que ce dernier ait déjà en tête un plan bien plus abject et abominable…

    Après Retour à Whitechapel, Michel Moatti signe le deuxième tome de la série consacrée à Amelia Pritlowe. Dans le précédent opus, elle se découvrait être la fille de l’une des victimes de Jack l’Eventreur, et c’est parce qu’elle a réussi à mener à bien sa traque que la police se tourne vers elle pour cette chasse à l’homme. Il est d’ailleurs à noter que les deux ouvrages ne doivent pas particulièrement être pris dans l’ordre, d’autant qu’aucun spoiler ne vient gâcher cette éventuelle lecture désordonnée. Nous avons ici un tueur en série particulièrement sadique et dérangé, dont l’auteur nous restitue avec intelligence la genèse : un être ayant voulu s’élever au-dessus de sa condition en profitant de sa nyctalopie, mais surtout sujet à de fortes céphalées et rabroué par ses contemporains. Sa rédemption, il croit la trouver dans la lecture et l’application des préceptes ésotéristes de l’occultiste Aleister Crowley. Le récit apparaît parfois classique dans sa mise en œuvre – sa rythmique, pourrait-on dire – avec la montée en puissance de l’assassin, la rencontre avec son bien involontaire mentor, les indices qu’il laisse sur les lieux de ses perversions, etc. Néanmoins, Michel Moatti est un écrivain de premier ordre, qui sait donner vie à une multitude de personnages, avec une réelle densité : Amelia, à la fois hésitante à se remettre en service, comme Dew, qui n’est que zones d’ombre, et ayant à se racheter de n’avoir pu arrêter, un demi-siècle plus tôt, Jack L’Eventreur. C’est aussi un portrait saisissant de Londres durant le Blackout, des montées d’angoisse à la pénurie alimentaire, de la gestion des nombreux blessés et mutilés – Amelia officie comme infirmière quotidiennement à leur côté – à la crainte d’une attaque de plus grande envergure. Car, en homme instruit et ayant amplement préparé le terrain de ce livre, Michel Moatti a nettement mis en relief des situations et opérations rappelant le joueur de flûte de Hamelin ou encore le Massacre des Innocents par Hérode. Autre fait troublant tout autant que marquant : Gordon Cummins, le tueur en série, a réellement existé, et dans des conditions particulièrement proches de celles décrites tout au long du livre. Certes, dans sa postface, l’écrivain admet lui-même avoir pris quelques libertés avec l’historicité de certains faits et personnages, mais ces très rares licences littéraires mettent néanmoins bien en avant à quel point le réel et le fictif peuvent se rejoindre dans le sang.

    Voilà donc un thriller historique de premier ordre, qui vaut moins pour certains passages attendus que l’immense qualité de sa narration, le trouble qui naît lorsque l’on sait qu’il est inspiré de faits réels, et qu’il se déroule dans une ambiance singulièrement alarmante ayant peu servi de toile de fond à la littérature policière. Pour l’anecdote, John Lawton s’est servi de ce cadre à la fois historique et géographique dans Black-out, tandis que Jean-Marc Ligny évoque Aleister Crowley dans La Ballade des perdus.

    15/12/2016 à 18:25 3

  • Et tout sera silence

    Michel Moatti

    8/10 Le corps d’Anna Kaczor vient d’être retrouvé, un tournevis planté dans la tempe. Cela ressemble à un banal fait divers, jusqu’à ce que l’on se rende compte que la victime était impliquée dans des parties fines avec un membre de la Chambre des lords. Lynn Dunsday, web-reporter pour le Bumper n’est plus la journaliste fougueuse et zélée qu’elle a été, et sa relation avec le policier Andy Folsom ne lui permet pas non plus d’atteindre ses niveaux professionnels d’antan. Mais quand la piste d’un ignoble trafic de femmes d’Europe de l’Est remonte à la surface, voilà qui pourrait bien apporter à la jeune femme autant de motivation que de sueurs froides.

    De Michel Moatti, on avait déjà beaucoup apprécié Retour à Whitechapel, Blackout Baby ou Les Retournants, et voilà le deuxième opus de la série consacrée à Lynn Dunsday, après Tu n’auras pas peur. Le style prend aussitôt l’attention du lecteur, et le style, sobre, vif et très réussi, l’entraîne rapidement d’un chapitre à l’autre. On (re)découvre notre journaliste de choc, toujours aussi forte et affûtée, même si elle a un peu perdu de son entrain, mais cette sinistre affaire d’esclavage sexuel va la remettre sur les rails de la combativité. Alors qu’elle apprend qu’elle est enceinte, Lynn va également entrevoir dans cette affaire de femmes maltraitées et vouées à la prostitution forcée un moyen d’apaiser sa conscience professionnelle tout en se faisant la voix de celles qui ne peuvent pas parler. Et les pages sombres, violentes et sordides, apparaissent. Des remorques saturées de malheureuses à qui l’on a fait miroiter un eldorado occidental avant de déceler la réelle teneur du commerce : enlèvements, viols, violences, assassinats. Du fret humain. Des fournitures sexuelles. Des ventres sur pied. Des pages monstrueuses, insoutenables, mais qui ne tombent jamais dans le voyeurisme gratuit ou l’outrance stérile. Michel Moatti rappelle, dans ses notes finales, les sources qu’il a utilisées, et il suffit d’éplucher un peu ce que l’on trouve sur Internet pour se rendre compte que ce roman tient moins de la fiction que d’une immonde réalité. L’intrigue est très réussie, dense et prenante, et le récit s’achève sur une note d’espoir, l’indispensable respiration après de telles pages de noirceur.

    Un livre sans la moindre concession, âpre mais nécessaire, dont on ne peut que chaudement recommander la lecture, même s’il n’est pas à mettre entre toutes les mains. Le titre, « Et tout sera silence », ne peut décemment pas s’appliquer aux événements mis ici en exergue et que l’on doit, bien au contraire, dénoncer avec de puissants hurlements, qu’ils soient littéraires ou autres.

    25/05/2021 à 06:59 2

  • Les Retournants

    Michel Moatti

    8/10 Août 1918, sur le front de la Somme. Deux soldats, Vasseur et Jansen, entreprennent, après des années de combats, de fuir les lignes et déserter. Même s’ils se connaissent finalement assez peu l’un l’autre, ils n’en peuvent plus de la sauvagerie des engagements, quêtant dans cette fuite leur ultime chance de salut. Leur cavale va les mener au domaine d’Ansennes, tandis qu’un gendarme, Delestre, spécialisé dans la traque de déserteurs, est déjà à leurs basques.

    Michel Moatti, à qui l’on doit déjà, entre autres, les très bons Retour à Whitechapel et Blackout Baby, revient avec ce roman très sombre ancré dans la Première Guerre mondiale. Le chaos des armes, les légitimes peurs des belligérants, l’absence d’espoir de survie : tout cela va conduire deux d’entre eux à opter pour la défection. Jansen est instituteur et Vasseur percepteur. Mais il y a une autre réalité derrière l’étiquette de ces professions concernant le second : Vasseur est un psychopathe. Capable de tuer un ennemi en l’égorgeant avec les dents avant de se masturber sur son cadavre, ou de jeter dans le foyer d’une cheminée un gendarme encore vivant qui s’est dressé sur sa route. Dans le même temps, c’est un excellent comédien, capable d’endosser avec habileté une autre identité et de s’exprimer avec de bien belles paroles. Les deux déserteurs rencontrent trois personnes au domaine d’Ansennes : un vieil industriel désargenté de la verrerie, Givrais, sa fille Mathilde et leur domestique, Nelly Voyelle. Ayant usurpé les identités de deux docteurs, Jansen et Vasseur vont vivre plusieurs mois au sein de la propriété jusqu’à ce que tout explose. Michel Moatti, grâce à son style à la fois riche et sa plume qui ne croque que l’essentiel, expose avec beaucoup de noirceur l’ambiance pesante qui envahit le château, avec les zones de doute, d’ombre et de violence à peine muselées. Un huis clos savamment charpenté, particulièrement réussi, jusqu’à la dislocation meurtrière et le retour du sang. Tous les portraits psychologiques sont savoureux, édifiants, et l’on retiendra peut-être plus particulièrement celui de François Delestre, capitaine de la gendarmerie prévôtale d’Amiens, fin limier et, dans le même temps, saturé de contradictions morales quant à ces pauvres hères qui se sont éloignés de la boucherie des tranchées. Même avec quelques longueurs dans les derniers chapitres, ce roman est une pure merveille, l’auteur venant également apporter une autre résonnance au titre, désignant à l’origine les déserteurs, et plus particulièrement lors d’un passage ouvert à l’interprétation de chacun et détonnant.

    Quelque part entre le roman noir et le thriller, un opus d’une très grande qualité, âpre et mémorable, dont Michel Moatti nous narre la genèse dans une postface poignante.

    23/10/2019 à 22:54 7

  • Retour à Whitechapel

    Michel Moatti

    8/10 En pleine Seconde Guerre mondiale, Amelia Pritlowe est infirmière dans une capitale britannique matraquée par les bombes. Une lettre posthume de son père lui apprend sa terrible filiation : elle est la fille de Mary Jane Kelly, l’une des victimes de Jack l’Eventreur. Amelia se fixe alors un objectif : découvrir l’identité du célèbre tueur en série.

    Les ouvrages policiers ayant trait à ce sinistre monstre sont nombreux. Aussi, quand un nouveau livre paraît à ce sujet, il est compréhensible que l’on puisse être, de prime abord, dubitatif voire indifférent à cette nouvelle pierre portée sur un édifice déjà fort ample. Pourtant, ici, Michel Moatti parvient à tirer son épingle du jeu. On pouvait craindre une héroïne hollywoodienne, tombée du ciel, et résolvant une énigme vieille de plus d’un siècle. Il n’en est rien. Amelia est une femme, certes opiniâtre et intelligente, mais elle n’est en rien le prototype du personnage invincible et omniscient. Elle doute, a peur, tente de remonter la piste de Jack l’Eventreur. C’est surtout une véritable fureteuse, arpentant les archives de la police et de la société de ripperologues qu’elle fréquente. La structure du roman est également osée : il s’agit d’un enchevêtrement de textes issus du carnet tenu par Amelia, de reconstitutions de scènes de l’époque (frissons garantis) et de saynètes extraites du jury d’enquête de l’époque. Indéniablement, Michel Moatti a effectué un remarquable travail en amont, se documentant, et rendant ses recherches particulièrement passionnantes. Et la légitime question que l’on peut poser celles et ceux ayant fini cet opus est la suivante, comme le ferait benoitement un téléspectateur ayant manqué le final d’un feuilleton policier : « Alors, qui a fait le coup ? ». Quand certains œuvrent dans le strict domaine documentaire (cf. Sophie Herfort dans son Jack l’Eventreur démasqué), d’autres choisissent la pure voie de la fiction (comme Michael Dibdin et L’ultime défi de Sherlock Holmes ou Bob Garcia avec son Duel en enfer. Michel Moatti suit une troisième voie, empruntant aux deux précédentes : le réel côtoie l’imaginaire. Si certains lecteurs lui reprocheront ce choix – comme certains exècrent la cuisine sucrée-salée –, il faut reconnaître à l’écrivain une besogne colossale de recherches dans laquelle il a inséré, au fil du récit, des individus qu’il a inventés, notamment Amelia, prétendue fille de Mary Jane Kelly. Et l’explication qu’il offre, cet homme qu’il incrime – ou plus exactement ces hommes – figurent déjà dans la la longue liste des suspects déjà connus de tous les détectives amateurs. Les éléments d’accusation sont certes étayés et intéressants – d’autant que Michel Moatti reprend certaines imputations déjà employées par un autre écrivain que nous ne nommerons pas ici afin de préserver le suspense – et l’on sait déjà que quelques aficionados de ce cas criminel sauront lui opposer d’autres arguments.

    Au final, il s’agit d’un ouvrage riche et dense, où la réalité et la fiction valsent dans une même danse macabre. Un point de vue supplémentaire sur le sujet, à ranger à côté de tant d’autres, que ces derniers confirment ou infirment la thèse ici soutenue. Demeure un livre-procès très habilement mené, adroitement écrit, et atypique dans sa forme, sur un mystère qui ne sera peut-être jamais résolu et où tout un chacun a sa propre intime conviction, ignorant si celle-ci est la bonne ou non.

    01/04/2017 à 09:33 10