El Marco Modérateur

3219 votes

  • Légitime défonce

    Paul Milan

    4/10 Michel Barne, petit cambrioleur sans envergure, pénètre dans la demeure genevoise d’un riche propriétaire. Mais ce dernier, membre d’une milice d’autodéfense, tente de l’assassiner sans que le vol nécessite de telles représailles. Michel parvient à tuer l’homme et devient alors le gibier d’une vaste chasse lancée par les amis de la victime. Quand Gabriel Lecouvreur apprend ce déferlement de violences, il décide de se rendre sur place.

    Cent-quatrième enquête du Poulpe signée par Paul Milan, cet ouvrage déçoit assez vite. Si le ton est agréable et bien dans l’esprit de la série, il manque de panache pour convaincre pleinement. Les passages où Michel Barne s’exprime détonnent par le ton employé (écriture hachée, langage coloré) mais les autres scènes sont sans grand éclat. Les rencontres entre le voleur en fuite et les miliciens sont sans envergure et répétitives, certaines ruses utilisées par le Poulpe sont tout bonnement invraisemblables et téléphonées, et les mercenaires sont tellement caricaturaux et insipides qu’ils en deviennent interchangeables. De plus, alors que l’idée de dénoncer les dérives de l’autodéfense peut amplement se justifier, Paul Milan ne fait que survoler les motivations et psychologies des traqueurs, ce qui fait qu’à aucun moment, le lecteur ne se sent réellement impliqué du point de vue émotionnel dans cette histoire. Alors, certes, Gabriel est souvent écœuré par ces pratiques, mais même le dégoût d’un personnage hautement sympathique ne peut générer automatiquement une répugnance similaire chez le lectorat.

    Pas assez développé ou creusé, cet opus moyen n’en reste qu’au stade des bonnes intentions. Il manque surtout cruellement de corps, d’âme et d’esprit, ce qui est d’autant plus frustrant que le protagoniste confié à Paul Milan n’en manque pas. Pour résumer, ce roman met en situation sans jamais vraiment mettre en scène.

    02/10/2013 à 20:25 2

  • Léo a disparu

    Roselyne Bertin

    8/10 Léo a disparu. Un événement incompréhensible. Nul ne sait si, en arrivant au collège, il a été kidnappé ou s’il a fugué. Ses amis s’interrogent, notamment Olivier, Clément et Estelle. Sans compter, bien évidemment, la maman de Léo. Et Gilles Valérian, le gendarme qui va enquêter sur cette affaire.

    Avec cet ouvrage destiné à la jeunesse, Roselyne Bertin retient l’attention de la première à la dernière page. Une écriture simple et efficace, entraînante, tissant d’amples moments de suspense, de tension et de zones d’ombre pour retenir l’attention. Une histoire simple, jamais simpliste, crédible et prenante, où s’entrecroisent avec intelligence les points de vue des divers protagonistes. Les amis du disparu, mais aussi Gilles, fin et pugnace, qui saura retrouver la trace du garçon. D’ailleurs, il est à noter que Roselyne Bertin a bâti un récit différent de ce que l’on trouve habituellement dans les polars pour les jeunes. C’est un véritable concours de circonstances et de rencontres, un enchaînement fort plausible d’événements inattendus, qui va conduire le pauvre Léo au cœur d’un engrenage qui pourrait bien lui être fatal. Comme de bien entendu dans ce type de littérature, la fin heureuse mettra en relief des attitudes humaines fort louables ainsi que des qualités d’âme estimables, comme l’amitié, le sens du devoir, la protection des êtres – et parfois des animaux – plus faibles que soi, au terme de deux jours d’une disparition que Léo n’oubliera probablement jamais. Et les juvéniles amateurs de littérature policière non plus.

    16/04/2017 à 08:40 1

  • Les 400 Coups du Kronprinz

    Jacques Thelen

    7/10 En 1907, au Crotoy, une femme découvre la tête tranchée de son cuisinier d’époux déposée dans une glacière et préparée comme un mets. Ce sont deux autres restaurateurs qui subissent le même sort. Pour des raisons politiques, Georges Clemenceau s’inquiète de cette vague de crimes et envoie sur place le commissaire Jean-Baptiste Lemercier afin de tirer cette affaire au clair. Dans le même temps, le Kronprinz, fils de Guillaume II d’Allemagne, entend venir profiter de la côte picarde, de ses paysages de chasse et de ses jolies dames. Mais il se pourrait qu’un complot s’y trame contre lui.

    Après Le Trésor de la Baie de Somme, voici le deuxième ouvrage de Jacques Thelen. C’est un véritable plaisir que de se promener en sa compagnie durant la Belle Epoque dans la contrée picarde. Les personnages y sont attachants, notamment Lemecier et Fiory, les deux principaux enquêteurs. Là où le roman de Jacques Thelen séduit également, c’est parce qu’il met en scène des personnages ayant réellement existé, et qu’ils prennent une part importante dans le récit : Guillaume de Prusse, Guillaume II d’Allemagne, Georges Clemenceau, mais également Anatole Deibler, authentique « Exécuteur en chef des arrêts criminels », autrement dit bourreau. A ses côtés, on en apprend beaucoup sur le fonctionnement de l’échafaud, avec à la fois beaucoup de technicité sans verser dans les détails de mauvais aloi. L’intrigue est en soi réussie et très agréable à lire, même si l’on regrette peut-être que les motifs expliquant la route sanguinaire du tueur soient un peu simplistes ou expédiés à la va-vite. C’est en fait la concision du roman tout entier qui déçoit un peu : on aurait tant aimé que Jacques Thelen creuse davantage les personnages et qu’Anatole Deibler soit plus présent encore dans l’enquête, tant ils constituaient d’indéniables promesses de bonheur littéraire. Mais il est impossible de bouder son plaisir devant ce livre : c’est court, instruit, original, et très divertissant. Un opus alléchant après lequel vous ne regarderez probablement plus jamais un crabe de la même manière. Il est à noter qu’il s’agit aussi du quatrième ouvrage de la collection Belle Epoque, et qu’une telle lecture ne peut que donner envie de poursuivre le voyage temporel.

    11/08/2016 à 23:14 1

  • Les 7 Jours du Talion

    Patrick Senécal

    9/10 Bruno Hamel voit sa paisible vie de famille basculer quand sa fille de sept ans, Jasmine, est violée et tuée. Quand le responsable de ce crime est arrêté, Hamel met au point une vengeance monstrueuse : il va enlever le meurtrier et le garder avec lui pendant sept jours afin de le torturer et de lui faire payer le plus cher possible le calvaire de sa fille. Passé ce délai, Hamel prévoit d'exécuter sa victime puis de se rendre à la police.

    Les Sept Jours du Talion est un livre incroyable, percutant, et que le lecteur n'est pas prêt d'oublier. L'écriture sèche et directe de Patrick Sénécal est admirable, le scénario d'une tension extrême, les personnages très bien campés. Qu'il s'agisse de Bruno Hamel, de sa femme, du criminel, des policiers ou des autres personnages, leurs réactions sont toutes très bien senties, miséricordieuses ou impitoyables, humaines ou sévères. Il faut bien mettre en garde le lecteur car certaines scènes de tortures sont très pénibles, et le lecteur, en ces instants difficiles, souffre à la fois pour le criminel devenu proie et la victime devenue prédateur.

    Au final, un livre choc, ahurissant de violence et d'humanité, au style sobre et sans concession. Un roman à lire absolument !

    31/12/2007 à 10:58 1

  • Les 7 prières de Lille

    Jean-Marc Demetz

    7/10 En cette veille de Noël, Bill, un flic atypique, a rendez-vous avec Brichard, un secrétaire d'Etat, quand ce dernier est abattu. Bill est gravement blessé par balle mais épargné par le tueur. Pourquoi ? Alors que la police croit que leur collègue est le coupable, Bill et ses camarades décident de remonter la piste de cet assassin dont ils ignorent les motivations, jusqu'à ce qu'il les convoque à un étrange jeu, ponctué de morts selon un parcours guidé par des messages laissés sur un téléphone portable. Qui est ce redoutable assassin ? Pour quelles raisons a-t-il épargné Bill ? Une chose est certaine : il semble avoir un ancien contentieux à régler et une vengeance à assouvir...

    Après Wagadou, Jean-Marc Demetz signe un polar bien noir qui est la suite directe de son précédent roman, reprenant les personnages ainsi que l'intrigue là où il les avait laissés. Cependant, le lecteur peut parfaitement attaquer directement Les 7 prières de Lille sans avoir lu Wagadou puisque les faits principaux sont rapidement rappelés. Sur le canevas classique des représailles, Jean-Marc Demetz livre un roman succinct et ramassé, sans le moindre temps mort. Si l'intrigue n'est pas en soi mémorable ni révolutionnaire, quoique l'identité du tueur n'est pas aussi évidente que prévue, le roman est toutefois marquant par un style très particulier, composé de phrases courtes et percutantes, à l'humour acide et aux descriptions savoureuses qui ne sont pas sans rappeler certains épisodes de la série des enquêtes du Poulpe . A noter certains passages absolument mémorables comme cette tirade inspirée de Cyrano de Bergerac sur le thème des cons. Les amis de Bill sont également attachants et hauts en couleur, Jean-Marc Demetz assumant parfaitement certains clichés qui, dans son récit, passent avec bonheur.

    Les 7 prières de Lille est donc un polar très distrayant et amusant, à défaut d'être original.

    21/02/2010 à 10:09

  • Les 7 Sherlock

    Jean-Michel Darlot, Jeff Pourquié, Damien Vidal

    7/10 Une agréable relecture du monde d’Arthur Conan Doyle, avec un jeune enquêteur en herbe, Alexis Jurkiewicz, accompagné d’un détective imaginaire nommé Barney Spottiwood, et où il est question d’enlèvements en série en Angleterre, nation vers laquelle Julius va aller traîner ses guêtres à l’occasion d’un voyage scolaire. Il y sera alors question d’étranges policiers, grimés, émettant le curieux cri « Tikeli-li » et ayant visiblement des comptes à régler avec certains individus. Une ambiance agréable et une intrigue qui se laisse lire avec plaisir, où il sera question d’un vol organisé, d’une vengeance et des célèbres fées de Cottingley. Même si je n’ai pas été particulièrement charmé par les dessins de messieurs Pourquié et Vidal, cela demeure à mes yeux une bande dessinée intéressante, décontractée et qui détend.

    28/07/2018 à 08:45 1

  • Les Abattus

    Noëlle Renaude

    9/10 Le narrateur n’a pas eu une vie paisible. Une enfance difficile, un père qui s’est éclipsé, un frère gangster, un beau-père puis une demi-sœur, après quoi les événements se déchaînent tout autour de lui : les voisins du dessus sont égorgés, son frère cadet s’illustre dans un braquage avec trente millions de francs à la clef, des malfrats en Peugeot 504 qui lui tournent autour… Une série de coïncidences malheureuses ? Est-il la victime de ces enchaînements meurtriers ? Leur auteur, peut-être ?

    Noëlle Renaude s’est illustrée en tant que dramaturge dans le théâtre avant de livrer ce premier roman en 2020. Dès les premières pages, on comprend que le style de l’écrivaine est unique : des phrases longues, sans le moindre discours direct ni tirets cadratins, une frénésie de virgules qui hachent les phrases, un discours indirect volontairement chaotique. Si le lecteur est, de prime abord, décontenancé, il trouvera bien rapidement une véritable énergie derrière ce récit sciemment déconstruit, érigé en trois parties (respectivement « Les vivants », « Les morts » et « Les fantômes), où l’on suit, chronologiquement, la ligne de vie de notre « héros ». Un individu lambda, dont la singularité tient dans les êtres fracassés qu’il va côtoyer et les drames qui vont soit l’entourer soit le percuter. L’univers de Noëlle Renaude n’est pas sans rappeler l’œuvre de Georges Simenon, avec des personnages croqués à pleines dents, dépeints au vitriol, et dont les interactions sont souvent croustillantes. On se plaît à suivre la route du narrateur, entre amours éconduites, destinée fade, métiers exercés sans passion, tandis que tout autour de lui, se mettent à tomber les morts. Il faudra une crémation pour que les cendres parlent et que la vérité éclate enfin. Une sacrée prouesse de la part de l’écrivaine, où le trente-troisième chapitre livre les clefs de l’intrigue, revenant avec intelligence sur les faits antérieurs, et contraignant – avec joie – le lecteur à se repasser l’ensemble de l’histoire.

    Un ouvrage particulièrement réussi, noir et serré, où la désorganisation apparente des mots souligne la trajectoire brisée des existences qu’elle décrit.

    28/04/2021 à 07:44 7

  • Les Affamés tome 1

    Kunitaro Tomoyasu

    8/10 Wataru n’est pas un zombi comme les autres. Contrairement à ses congénères qu’il surnomme « les cadavres ambulants » qui ne se nourrissent que d’humains vivants, il n’est pas totalement un mort-vivant, plutôt un homme seulement à moitié contaminé. Il a même une autre particularité : il élève un être humain. Pour le bouffer ? Même pas. Il souhaite faire s’accoupler deux individus normaux afin de faire progresser son élevage d’humains et ainsi museler la crise alimentaire qui guette pour ses semblables zombis. Pour cela, il doit encore mettre la main sur une femme, et à force de traquer, il finit par trouver Tachibana, son amour d’enfance désormais privée de l’une de ses jambes…
    Un pitch délirant, loufoque et original à souhait, qui évite la violence et le gore au profit d’un récit prenant renouvelant un peu le genre, se permettant même des flashbacks intéressants et poignants quant au protagoniste, et avec en plus un graphisme très agréable. On ressent même de belles émotions à propos de Wataru dont les sentiments pour Tachibana ne se sont pas entièrement taris. C’est vraiment bon et efficace, avec de sacrés rebondissements à la fin. Je serai assurément au rendez-vous du tome suivant !

    25/01/2023 à 20:20 2

  • Les Affamés tome 2

    Kunitaro Tomoyasu

    8/10 Trois mois se sont écoulés depuis le précédent tome, et Wataru poursuit son entreprise : faire se reproduire des êtres humains pour les fournir en pâture aux zombies, ce qu’il appelle « augmenter nos ressources alimentaires ». Mais tandis que sa fille Umi grandit jusqu’à s’épanouir en une belle jeune femme, le comportement de Kazu, prévu d’être le reproducteur, devient de plus en plus pressant et concupiscent. Une fois de plus, un très chouette opus qui va là où les autres ouvrages traitant des morts-vivants ne sont jamais allés, c’est-à-dire loin des créatures grondantes et voraces, avec un beau traitement psychologique, des tourments moraux à la chaîne pour Wataru. Même Kazu devient sacrément intéressant, passant du statut de puceau pornographe à celui de quinquagénaire tendant à s’émouvoir et à s’éprendre d’Umi. Un très bon manga, touchant et intelligent, je tâcherai d’être au rendez-vous du troisième et dernier tome.

    25/04/2023 à 08:27 2

  • Les Aigles endormis

    Danü Danquigny

    9/10 L’Albanie a en partie grandi sous la férule d’Enver Hoxha, un dictateur communiste de la pire espèce. Un pays bridé, une économie asphyxiée, des libertés bafouées, des espoirs impossibles. C’est aussi dans ce pays martyr que grandit Arben avant que l’autocratie ne s’écroule, laissant place à un régime guère plus louable, avec les fléaux du libéralisme et ses inconvenances. Prêt à tout pour réussir et permettre à sa famille de se projeter dans un avenir favorable, probablement à l’étranger, Arben est résolu à jouer avec l’illégalité, sous toutes ses formes, quitte à y perdre son âme et ses proches.

    Ce premier ouvrage de Danü Danquigny séduit dès les premières pages. Une écriture simple qui n’empêche nullement de magnifiques passages, lyriques et puissants. Une histoire classique mais particulièrement prenante jusqu’au final. Des protagonistes formidables de crédibilité, empêtrés dans leurs hypocrisies, leurs propres tourments, leurs velléités de s’en sortir sans trop prendre attention aux moyens employés, leurs violences et autres férocités. On y découvre ce personnage d’Arben, comme tant d’Albanais si heureux de la chute du despote ayant érigé, comme hélas en d’autres endroits du globe, un régime dément et castrateur, édifié sur une doctrine monstrueuse et complètement dévoyée. Il apprendra que la destruction de cette tyrannie ne rimera pas nécessairement avec l’avènement d’une société plus égalitaire. Et c’est d’ailleurs sur ce point que Danü Danquigny est le plus marquant : il nous dépeint une Albanie d’abord sclérosée par l’hégémonie communiste puis meurtrie par un individualisme et un capitalisme presque aussi brutaux et pernicieux. Tout y est décrit avec une concision et une justesse remarquables : la prostitution, les montages financiers construits sur le principe de la pyramide de Ponzi, les trafics d’êtres humains, les escortes de migrants envoyés au casse-pipe, les ruines que se partagent les édiles et autres mafieux soudainement convertis au consumérisme féroce, les règlements de comptes sanglants où les pires engeances essaient de s’approprier les reliefs d’argent… Car sur les vestiges de cette contrée laminée, les aigles de l’Albanie, qui essaient de redresser la tête et se sortir les serres de la misère, vont côtoyer les pires charognards. C’est dans ce marais puant et sanglant qu’Arben, entre deux élans de sauvagerie et autres amnésies, va tenter de trouver, pour lui et les siens, un chemin de traverse les menant vers un semblant de bonheur, d’avenir, presque de survie, mais la bestialité le rattrapera avant qu’il n’ait atteint cette hypothétique félicité, quitte à ce qu’il soit contraint d’emprunter la voie de la vengeance.

    Un roman noir particulièrement réussi, concis et marquant, dont l’une des principales caractéristiques est de nous mener dans un pays en totale reconstruction mais dont la convalescence s’apparente pour ainsi dire à l’aggravation de la maladie. Edifiant et mémorable, presque nécessaire.

    15/11/2022 à 07:04 6

  • Les Âmes Grises

    Philippe Claudel

    9/10 Un excellent roman noir et sinistre, plus qu'une traque policière au sens habituel du terme. Tout y est dur, sombre, et le lecteur est porté par le style et l'écriture magnifiques de l'auteur. Un ouvrage très original à (re)découvrir d'urgence !

    27/08/2006 à 22:05 4

  • Les Âmes tigrées

    Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann

    7/10 Ce treizième tome commence avec Dodji qui combat le Maître-Fou et lui vole une clef qui lui permet d’accéder à un lieu où se trouve… une tête vivante, dans un coffret. Un opus bien plus réussi que les précédents (subjectivement, ça n’était guère difficile…), avec un tyrannosaure, les retrouvailles entre nos héros, cette tête coupée et assez bavarde qui livre pas mal de révélations (presque trop, je trouve, ou alors ai-je encore en tête la pauvreté des précédents opus…). Voilà donc un tome bien supérieur aux autres et qui me redonnera probablement envie de poursuivre cette série quand d’autres tomes sortiront.

    03/10/2022 à 18:29

  • Les Anges de la nuit

    John Connolly

    9/10 Partenaire du détective privé Charlie Parker, Louis et son compagnon Angel sont confrontés à une menace imprévue et terrifiante : l'organisation de tueurs à laquelle appartenait Louis, les Faucheurs, semble décidée à le faire disparaître. Pour contrer ce risque, à l'épicentre duquel semble se trouver le père d'une de ses anciennes victimes, Louis accepte de renouer avec la violence pour éliminer ce mystérieux commanditaire. Mais c'est sans compter sur les trahisons et la réapparition d'un tueur à gages effrayant, Bliss, qui a bien des comptes à régler avec Louis.

    Personnage secondaire des romans de John Connolly, Louis apparaît ici comme le principal protagoniste, ce qui permet au lecteur d'en découvrir bien plus sur ce tueur atypique, au travers de la genèse de sa violence et de son passé parmi les Faucheurs. La langue de l'auteur est toujours aussi exceptionnelle et typique : des descriptions patientes, des personnages qui ne sont jamais ébauchés mais toujours creusés, un sens du visuel indéniable, et des dialogues qui font mouche. Même si l'intrigue ne réserve en soi que peu de surprises, l'intérêt est ailleurs : John Connolly offre à ses fans un nouvel opus nerveux, alternant les extraordinaires scènes de chasse à l'homme et les flash-back saisissants quant au trauma originel de Louis.

    Les anges de la nuit est donc assurément une nouvelle réussite de John Connolly, et qui offre une porte d'entrée alternative vers son univers littéraire si abouti.

    15/03/2009 à 22:11 2

  • Les Arbres en hiver

    Patrick Eris

    8/10 Les montagnes jurassiennes, durant un long et sinistre hiver. Un tueur en série s’en prend à des familles entières, dans des maisons isolées, au hasard de ses pulsions. Pour confondre et arrêter le monstre, une équipe de trois gendarmes, de simples individus pas habitués à un tel déchaînement de violence. Et leur chef, un adjudant qui a noué une étrange relation avec la forêt. Une forêt qui semble également être désespérée par une telle sauvagerie…

    Ce roman de Patrick Eris arrive sur la pointe des pieds, avec beaucoup de modestie, qui plus est chez un éditeur qui n’a pas véritablement la faveur des médias. Est-ce pour autant un ouvrage anodin ou ne méritant pas que l’on s’intéresse à lui ? Que nenni. Car il porte en lui de nombreuses qualités, tant littéraires qu’humaines. Avec une belle économie de moyens, l’auteur nous livre un récit à la fois glacé et glaçant. Contrairement à beaucoup de ses compatriotes, il ne cherche nullement à épouser la mode ou plagier les automatismes américains. Avec une langue belle et poétique (les premiers paragraphes de ce livre ressemblent à s’y méprendre à des passages de Et au milieu coule une rivière), Patrick Eris décline une histoire sombre et prenante, de la première à la dernière page. L’intrigue est solide et efficace, avec de beaux retournements de situations et des personnages intelligemment croqués, qu’ils soient sympathiques ou sur le fil du rasoir. L’écrivain prend également le contrepied de ce que l’on peut souvent lire dans ce type de livres, avec un simple trio d’enquêteurs, pas particulièrement exercé au combat, à la résolution d’énigmes, ou prémuni contre la panique engendrée par une fusillade ou une agression. Des militaires certes motivés, mais ayant perdu toute foi en leur mission, dépassés par la barbarie du tueur, en proie aux plus profondes désillusions, et dont les tâches les plus ordinaires sont contrariées par le manque endémique de moyens. Seule note d’espoir sur cette portée désenchantée : le rapport si étrange et pourtant vivifiant du narrateur avec la nature, lorsqu’âgé de sept ans, il s’est perdu dans les bois. Un exil momentané et involontaire qui a nourri son âme, l’a emplie de préceptes déontologiques puissants, et a définitivement marqué son esprit de galopin devenu adulte, puisqu’il s’accorde désormais de salvatrices pauses dans ces univers végétaux et minéraux, sans le chaos, la toxicité et la nocivité du monde extérieur.

    Patrick Eris nous livre ici un roman noir très intéressant et atypique, une délicieuse paire de parenthèses qui s’ouvre et se referme en à peine plus de deux-cents pages sur une histoire où désespérance et foi en l’être humain se confondent. Un bien joli mariage de maux, porté par une plume saine et inspirée. De tels instants de fraîcheur et de bonté dans un paysage littéraire policier parfois routinier, un si joli chemin de traverse où l’on se serait volontiers perdu pendant encore une salve de chapitres supplémentaires, une escapade auprès d’un protagoniste qui mêle avec autant de bonheur anonymat et singularité, on en redemande !

    19/11/2016 à 10:55 4

  • Les Arcanes du Chaos

    Maxime Chattam

    6/10 Un bon roman, mais alourdi par une morale lancinante et des informations déjà vues et lues ailleurs, un manque de profondeur dans les personnages, et au final un livre un peu trop orgueilleux : ce n'est pas le "monstre" annoncé par l'auteur. Je préfère nettement ses écrits précédents, plus angoissants et moins emphatiques.

    08/05/2006 à 21:50 1

  • Les Archers

    Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme

    6/10 Dans la nuit, deux silhouettes viennent de pénétrer dans la tour sacrée de Kerridwen, emportant avec elles la « pierre de sang ». La barque de Tjall-le-fougueux heurte celle de Thorgal, et, rescapés, ils s’orientent vers un concours de tir à l’arc. Une série d’épreuves pour divers archers, dont Thorgal bien évidemment, pour un opus plaisant mais sans plus, qui a tout de même le mérite d’introduire de nouveaux personnages qui, si j’en juge par le résumé de l’épisode suivant, vont continuer d’apparaître, ce qui apporte un peu de sang neuf à la série tout en offrant, dans le cas de cette BD, un agréable entracte.

    30/05/2021 à 15:15 2

  • Les Arènes

    Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann

    6/10 Un opus qui commence avec une esthétique que j’ai trouvée médiévale (mais certainement due aux décors, bien troussés), voire proche de celles de péplums (influencé que je suis par les costumes des maîtres des lieux) et réussie. Mais pour ce qui est du scénario, comme les autres lecteurs, j’ai trouvé ça un peu faible, quelque part entre du survivalisme face aux épreuves et du Fort Boyard. Finalement, ça me fait penser à un opus-entracte, comme on en trouve parfois dans certaines séries, soit de transition, soit pour que le scénariste et/ou le dessinateur puissent s’offrir une (légitime) pause entre deux tomes plus percutants. Bref, rien de dramatique non plus, pas un opus pour rien, mais avec ce goût de déjà-vu et de déjà-lu, ça ne m’a vraiment pas mis les poils.

    01/12/2019 à 17:25 2

  • Les Aveux

    John Wainwright

    9/10 Rogate-on-Sands, une ville balnéaire sans histoire de quatre cent mille âmes. Herbert Grantley y travaille comme pharmacien, mais s’il se rend au commissariat, c’est pour une tout autre raison : il vient avouer le meurtre par empoisonnement de son épouse, Norah, un an plus tôt. Tout y est clair, circonstancié, transparent : il a bel et bien tué sa femme. Cependant, sous le velours de cette confession trop propre et spontanée, l’inspecteur-chef Lyle comprend qu’il y a quelque chose qui cloche.

    De John Wainwright, on a déjà beaucoup aimé, entre autres, les excellents Bois de justice et Une Confession. L’auteur, expert des dialogues qui claquent, des atmosphères chargées de suspicion et de textes à la fois forts et minimalistes, nous offre un roman du même acabit. Ses mots sont simples, accessibles, sans véritables envolées littéraires, mais le charme opère, un peu à la manière de ce qu’écrivait Georges Simenon : sa plume a beau être élémentaire, elle recèle un puissant venin. On apprend lentement à connaître ce brave Herbert, si calme, si posé, amateur de musique classique et de littérature, jouissant de son temps libre dans un petit bureau dont il refuse l’accès à son épouse. Dans le même temps, il dévoile la lente désagrégation de son couple dont il rend en partie responsable Norah. Cette femme, aimée trop vite et trop tôt, fréquente des milieux féministes, n’apprécie que la musique futile, s’avère être une mère sans instinct protecteur, se montre trop liée à ses parents, a des appétits de rupture sans avoir le courage d’aller au bout de ses velléités. Trop heureux de pouvoir vivre seul dans son petit confort égoïste et débonnaire après ce mariage qui n’a été qu’une erreur, Herbert a mûri l’idée de se débarrasser de sa conjointe en optant pour l’aconit. Mais tout ceci est-il aussi authentique qu’il ne le dit ? D’une manière particulièrement fine et crédible, John Wainwright lève le voile sur une terrible mystification. Deux cent vingt pages seulement, mais quel régal ! Des réparties remarquables de vraisemblance, un récit en apparence commun mais qui va révéler une duperie assourdissante, et un excellent rebondissement qui vient pimenter un texte d’une magnifique tenue. On se souviendra longtemps de ces échanges et de cette ambiance qui rappelleront nécessairement le film Garde à vue (normal, il s’agit d’une adaptation d’A table ! du même auteur), ainsi que de la virtuosité de l’ensemble.

    Un roman exceptionnel de maestria, où les apparences peuvent dissimuler de terribles artifices.

    10/05/2023 à 06:57 7

  • Les bagnoles ne tombent pas du ciel

    Lucienne Cluytens

    7/10 Un époux, pharmacien respecté. Une épouse éprise de religion. Une belle étudiante désargentée, jalouse et vindicative. Un trio explosif. Quand la conjointe est découverte morte d'une balle dans la tête, le mari est rapidement suspecté. Fin de l'histoire, le crime est presque trop évident. Sauf pour une jeune pédicure, amie du pharmacien, qui engage Marc Flahaut, reconverti en détective privé le temps que sa mise à pied prenne fin. Le flic accepte, sans se rendre compte à quel point les apparences peuvent être trompeuses.

    Après Lille-Québec aller simple, Lucienne Cluytens reprend le personnage de Marc Flahaut pour cette enquête, dépouillée et crédible. La langue de l'auteur est très agréable, et l'on plonge avec délectation dans le milieu empesé de la bourgeoisie provinciale, marquée par le conformisme et la tutelle de la religion. Les personnages sont savamment campés, sans cliché, avec suffisamment d'épaisseur et de zones d'ombre pour les rendre à la fois plausibles et douteux. Le récit, court, ne comporte aucun temps mort et l'on en arrive rapidement à l'épilogue, assez surprenant, même s'il aurait peut-être gagné à être développé ou explicité. Ce qui est particulièrement frappant dans cet épisode de la série consacrée à Marc Flahaut, c'est sa sobriété. Aucun mot de trop, pas de scène d'action échevelée ni de surenchère dans le sang ou le morbide : il s'agit d'une histoire simple et vraisemblable, où l'adultère côtoie la vengeance, la suspicion de meurtre la crédulité naïve.

    L'auteur de La grosse, Le petit assassin et des Peupliers noirs poursuit donc le sillon qu'elle trace au gré de ses romans : celui d'une bibliographie sereine et de belle tenue, à la fois ingénieuse et élégante.

    26/01/2011 à 19:47

  • Les Bêtes du gévaudan

    Hervé Korian

    8/10 Gabriel Lecouvreur, au lendemain d’une cuite d’anthologie, apprend qu’une jeune femme a été tuée dans le Gard. Comble du sordide, l’enfant qu’elle portait alors qu’elle se rendait à la maternité d’Alès, a disparu. Ni une ni deux, le Poulpe se rend sur place pour tirer ça au clair.

    Quatre-vingt-troisième enquête du Poulpe signée de la main d’Hervé Korian, cet opus se distingue par sa noirceur. Partant, comme à l’accoutumée, d’un simple fait divers, ce dernier se caractérise par son ignominie et l’abjection qu’elle suscite en Gabriel, le célèbre enquêteur libertaire, au point de le rendre encore plus amer quant à la société que d’habitude. Au gré de son investigation, Gabriel va se frotter à des individus qui constituent la lie humaine, si stupides qu’ils en deviennent dangereux, et capables des pires infamies et lâchetés pour couvrir leurs méfaits. Et c’est un Poulpe d’une rare aigreur que l’on découvre ici, puisque jamais indifférent au sort de ses compatriotes et constamment surpris par l’étendue des obscénités dont se rendent coupables ses congénères. Heureusement, pour contrebalancer cette cruauté probablement pas si fictionnelle que cela, Gabriel va croiser la route d’un compagnon passionné de littérature ainsi que d’une femme méprisée par son époux et avec laquelle il va se régaler de joutes à fortes teneur érotique sans jamais passer à l’acte.

    Ce roman d’Hervé Korian se spécifie donc par sa férocité et sa cruauté. Une enquête d’autant plus marquante que les journaux sont constamment émaillés de ce genre de faits divers.

    26/01/2014 à 12:13 1