El Marco Modérateur

3180 votes

  • Old Boy 4

    Tsuchiya Garon, Minegishi Nobuaki

    9/10 Je suis toujours aussi fan de la série, et ce tome 4 ne vient pas démentir ce sentiment. Gotô fait une longue introspection, cherche à se souvenir de l’époque où il était au lycée pour tenter de savoir qui peut lui en vouloir au point de dépenser 300 millions de yens et le faire ainsi séquestrer pendant dix ans. Il rencontre enfin Dôjima dans une longue scène de huis clos dans un bar, et la scène finale, une pêche sur le yacht de Dôjima, n’apporte que quelques réponses tout en prolongeant le suspense et l’immense intérêt de cette série. J’adore !

    19/01/2020 à 08:53 1

  • Ichi The Killer tome 4

    Hideo Yamamoto

    9/10 Ce tome reprend pile là où le précédent s’achève. Pour une fois, Ichi apparaît dès le début (mais disparaît provisoirement presque aussitôt) tandis que les tractations entre malfrats, avec les enjeux de pouvoir, le contrat engagé par l’homme gravement brûlé, connexions et « excommunions » battent son plein. Toujours ce déluge de scènes sexuelles, pratiques SM et violentes (ici, très marquante, ce caïd exécuté par cet inénarrable Kakihara d’une balle tirée… dans l’anus, puis jeté du haut du balcon). On en apprend un peu plus sur le passé et la psyché d’Ichi, notamment avec cet épisode ancien de cette fille violée sous ses yeux, ce qui n’était qu’évoqué jusqu’à présent, ou insuffisamment développé, au gré de son entrevue avec son mentor. Bref, toujours ce mélange incroyablement détonant, déployé avec une maîtrise rare.

    19/01/2020 à 08:51 1

  • Population : 48

    Adam Sternbergh

    9/10 Caesura, au Texas. Des alignements de cabanons où sont réunis quarante-huit personnes sous la surveillance d’un shérif – ou plus exactement, d’un agent de sécurité – et de ses deux adjoints. La particularité de ce bled surnommé « Blind Town » est que ses occupants ne se souviennent plus qui ils ont été. Un programme expérimental, où chacun doit « s’épanouir », délesté de ses mauvais souvenirs, sans contact avec l’extérieur ni possibilité de revenir en arrière. Une terre promise ? Peut-être. Jusqu’à ce que l’on commence à compter des morts…

    Cet ouvrage d’Adam Sternbergh, encensé par Dennis Lehane, saisit d’entrée de jeu par ce postulat si atypique et alléchant. Une expérimentation grandeur nature, sur une petite cinquantaine d’individus qui peuvent tout autant être des anges que des démons, et dont le premier acte est de choisir une nouvelle identité, panachant prénoms et noms d’acteurs et de vice-présidents américains. Mais quand un suicide puis des meurtres surviennent, pour le shérif Calvin Cooper et ses deux équipiers, Robinson et Dawes, l’Eden paraît se transformer en cauchemar. L’Institut, ce groupuscule qui gère ce territoire où règne l’amnésie, dépêche des agents afin d’enquêter voire réguler la situation, mais il n’est pas exclu que les maux ne fassent qu’empirer. Une écriture remarquable, que celle d’Adam Sternbergh, parfois truculente dans ses dialogues et ses descriptions morales, et qui ne cesse d’entretenir le suspense sur les tenants et aboutissants de ce minuscule bout du Texas, régi par des règles si étranges. Même si l’on peut regretter que l’auteur déflore un peu trop tôt l’identité du premier meurtrier, la suite n’en est pas moins incroyablement savoureuse. Des pièces du puzzle, patiemment disséminées dans les pages de ce roman surprenant, viennent s’assembler devant les yeux médusés du lecteur, permettant de comprendre les raisons profondes du déchaînement de violence. Une explication remarquable, indéniablement la marque des grands écrivains : ceux qui savent proposer une entame de récit spectaculaire et mémorable, des rebondissements grandioses et un final tout aussi réussi et concluant.

    Un roman d’une extraordinaire tenue, qui se paie le luxe de mettre en avant des questions élémentaires quant à l’identité, la culpabilité, le pardon et la rédemption, tout en enchâssant ces notions au canevas d’une intrigue dense et inoubliable. Un coup de maître.

    08/01/2020 à 17:20 4

  • L'Affaire Galton

    Ross MacDonald

    8/10 Le détective privé Lew Archer est contacté par un avocat afin de résoudre une affaire épineuse. Il s’agit de travailler pour une dame âgée et richissime, Mme Galton, dont le fils a disparu il y a vingt-deux ans de cela. D’abord dubitatif quant à ses chances de pouvoir retrouver Anthony Galton, Archer va vitre être confronté à un meurtre… puis à une machination ourdie par des lascars prêts à tout pour réussir.

    Encensé par des auteurs comme Pierre Lemaître, Michael Connelly, James Ellroy et James Crumley, Ross MacDonald signait cet opus en 1959. Disons-le d’entrée de jeu : il s’agit là d’un petit joyau de littérature noire. Une écriture sèche et musculeuse, assez avare en détails sur les descriptions visuelles et géographiques, soudainement nerveuse dès qu’il y a de l’action, avec quelques magnifiques moments poétiques, à lire et à relire tant ils sont exquis, et des réparties qui claquent. L’intrigue est un modèle du genre : noueuse, riche en rebondissements, faisant intervenir des personnages interlopes, et mettant à jour une histoire très amorale. Notre détective, Lew Archer, fait preuve d’une opiniâtreté remarquable et d’une sagacité singulière, même si, passage obligé, il perdra physiquement quelques plumes en compagnie des malfrats qui ont ourdi leur plan.

    Un scénario alléchant, pas le moindre temps mort, une écriture experte : Ross MacDonald nous gâtait avec cet ouvrage dont on a encore du mal à se rendre compte qu’il a soixante ans. On a rarement vu un sexagénaire disposer d’une telle tenue.

    08/01/2020 à 17:15 2

  • Le Colis

    Sebastian Fitzek

    8/10 Emma Stein, psychiatre, a bien des raisons de croire qu’elle sombre dans la démence. Elle a vécu auprès d’un père dysfonctionnel, s’est inventé un ami imaginaire, Arthur, plus vrai que nature, puis a été la victime d'une terrible agression due au tueur en série surnommé « Le Coiffeur ». Depuis, elle vit recluse chez elle, jusqu’à ce qu’elle accepte de rendre service au facteur en prenant en charge un colis qui ne lui est pas destiné. Et le chaos éclate de nouveau.

    On doit à Sebastian Fitzek de nombreux thrillers, comme Thérapie, Le Briseur d’âmes, Le Somnambule ou Passager 23. Cet écrivain a toujours su secouer son lectorat grâce à des romans tonitruants, à la cadence échevelée, où les rebondissements abondent jusqu’au vertige, et celui-ci ne déroge pas à la règle. Ces trois cents pages sont un condensé de ce qui se fait de mieux dans le genre : style sec, personnages ambigus, chapitres courts et denses, twists multiples. On se plait à lire la déchéance psychique et morale d’Emma, qui va suivre un véritable chemin de croix mental : est-elle la proie d’une sinistre persécution, ou devient-elle tout simplement folle à lier ? Des situations explosives, des scènes fortes et marquantes (comme la première apparition d’Arthur, ou la découverte du contenu peu ragoûtant de la benne chez l’un des suspects), et un fil scénaristique parfois distendu par la surabondance de révélations et autres fausses pistes, mais jamais rompu.

    Et c’est le souffle saccadé, époumoné, avec un rythme cardiaque à tout rompre, que l’on arrive à l’épilogue. Sebastian Fitzek fait décidément partie des virtuoses du genre, même si le foisonnement des effets peut nuire, aux yeux de certains, à la crédibilité de l’ouvrage. Mais l’auteur est en soi une signature, presque la promesse d’étourdissements : il est peut-être alors inutile de vouloir fouler ses terres littéraires, en toute connaissance de cause, qui serait comme pour un diabétique de pénétrer dans une pâtisserie.

    08/01/2020 à 17:11 7

  • Si les petits cochons te mangent pas

    Luc Fori

    7/10 Une drôle d’histoire, que celle à laquelle est confronté William Carvault. Agent immobilier dans le Berry après avoir renoncé à sa carrière de détective privé, voilà qu’il apprend la disparition du docteur Zircantec, lié à une maison de retraite. Il faut dire que la compagne de William, Heike, est policière. Mais comme les choses simples semblent rarement se présenter sur la route de notre brave héros, voilà que d’autres éléments troublants viennent complexifier l’affaire.

    Après Choc Berry Blues et Connexions tragiques, voici le troisième opus de Luc Fori consacré à William Carvault. Un brave type, d’ailleurs. Plein de bonnes intentions, gentiment gaffeur, affublé d’une compagne capable de sacrés coups de sang et d’un beau-fils sévèrement ancré dans l’âge bête, amateurs de chanteurs classiques du rock et du folk, il a le don de se mettre dans des situations pas possibles tout en étant capable d’éclairs de lucidité. Le titre de l’ouvrage est en soi un avertissement : on est dans le cocasse, le décontracté, l’aimablement gaillard. Il y a en effet dans ce livre de l’humour à tous les étages, aussi bien dans les dialogues que les descriptions de personnages et les situations. C’est un régal de bonhommie que de le voir s’adresser à Suzanne, sa secrétaire qui aurait pu être si désirable si elle n’avait pas été aussi ingrate, ou à Thomas, son beau-fils, apte à tomber entre les griffes de caïds de la cité finalement pas aussi venimeux que ça. Enquêtant sur la disparition de ce toubib dont le nom sonne comme celui d’un médicament, William va connaître, en vrac, la joie de la baignade dans le lisier, tenter d’aider un copain ayant reçu une improbable contredanse au volant de sa deux-chevaux, essuyer des coups de feu, affronter le poison, etc. Une version bien berrichonne et burlesque des Douze Travaux d’Hercule, qui n’engendre vraiment pas la mélancolie, et qui a en plus le tact de préserver une intrigue policière de bon aloi qui, sans être mémorable, se tient très bien.

    Luc Fori nous gratifie d’un opus très divertissant, nous rappelant que le polar peut également avoir une vocation distractive. Une agréable tranche de rigolade, histoire de rompre avec le régime des thrillers nerveux et des livres trop saignants voire présomptueux. Et des tranches comme ça, on en redemande.

    08/01/2020 à 17:06 1

  • C'est le bouquet !

    James Hadley Chase

    7/10 … ou comment le détective privé Vic Malloy et ses deux partenaires en viennent à enquêter sur le kidnapping, avec rançon à la clef, de Lee Dedrick, ayant épousé la quatrième fortune du pays. En apparence, rien de très original, mais la réalité s’avèrera bien plus complexe… et dangereuse. Moi qui avais essuyé quelques déceptions avec les œuvres de James Hadley Chase, me voilà réconcilié avec l’auteur et ses romans. Ici, honnêtement, il n’y a rien d’extraordinaire ou de dément, ni même de mémorable, mais à la façon d’un bon musicien, l’écrivain joue avec habileté une partition classique et efficace. On retrouve le langage épuré de l’écrivain, son recours à l’argot, et quelques punchlines bien senties, avec un humour décontracté et savoureux. Dans le même temps, Malloy va donc enquêter sur ce rapt qui dissimule quelques éléments inattendus. Un beau-père qui n’aimait guère son gendre, une épouse retorse, une secrétaire qui n’est ce qu’elle paraît être, un coupable (qui a donné un récent coup de main à notre limier et qui semble le payer en endossant l’étiquette de « suspect trop évident »), un trafic de drogue, etc. En outre, quelques scènes retiennent l’attention, comme ces fusillades à répétition près d’un chalet dissimulé, et surtout de jolis moments d’angoisse dans une mine habitée par des rats gros comme des chats et très voraces. Bref, encore une fois, il n’y a rien de dithyrambique à dire de cet ouvrage, mais il joue les bonnes notes, parfois attendues, au bon moment, et avec une technique éprouvée, ce qui donne un air certes de déjà-vu ou de déjà-lu, mais distractif et prenant.

    05/01/2020 à 18:26 1

  • Kurosagi - Livraison de cadavres tome 1

    Ôtsuka Eiji, Yamazaki Hôsui

    8/10 Cela commence avec la découverte de cinq surprenants jeunes gens (un bouddhiste qui communique avec les morts, une femme qui adore photographier les morts, une sorte de sourcier qui trouve des cadavres, une thanatopractrice, et un type qui dialogue avec les extraterrestres grâce à sa marionnette), décidés à rendre justice aux morts malgré le fossé qui les sépare de leurs « clients », et je me suis laissé prendre par ce scénario foutraque, presque d’une série B littéraire ou cinématographique, grâce à un graphisme sage mais pertinent. Cela commence avec une histoire de père incestueux et nécrophile (trop la classe, ce mec…), se poursuit avec une histoire de plaine où s’ne vont mourir les personnes âgées, puis arrive un tueur en série qui fait mumuse en cousant des morceaux de corps différents entre eux, et ça se conclut avec une dernière histoire, un peu plus faible à mes yeux. Ça aurait pu être glauque et voyeuriste, ça reste spectaculaire et fort sans jamais tomber dans le travers du gore à tout crin. Et même si je suis conscient que nos lascars sont parfois trop spectateurs de la vendetta des défunts et que l’ensemble est complètement et gentiment barré et extravagant, j’ai mordu à l’hameçon tendu par le scénariste et le dessinateur. En ce qui me concerne, c’est très sympa et original, et je tâcherai de suivre la série.

    05/01/2020 à 18:24 2

  • Monster tome 2

    Naoki Urasawa

    8/10 A présent, on suit une jeune fille, Nina, qui suit une thérapie et n’a plus aucun souvenir de son enfance. Le docteur Tenma essaie de retrouver la trace d’Eva, la jumelle de Johann, et sa quête se poursuit à Heidelberg. Le mystère s’épaissit, le suspense n’en est que plus exquis, et toujours cette esthétique particulière, avec beaucoup de finesse et de retenue, notamment dans la violence qui n’est que suggérée, ainsi que beaucoup d’humanité (les scènes avec l’ancien légionnaire sont exceptionnelles dans ce domaine). Le rythme ne faiblit décidément pas, et puisqu’il reste encore seize tomes, je n’en suis que plus impatient de découvrir la suite.

    05/01/2020 à 18:21 1

  • Détective Conan Tome 51

    Gosho Aoyama

    8/10 La suite et conclusion de l’intrigue entamée dans l’opus précédent : astucieuse et très originale, dans cette station de ski. Ensuite, une histoire de textos alarmants envoyés par un gamin qui semble en danger : une enquête sans grand suspense, mais habilement menée, où il s’agit de comprendre ce que voit réellement l’enfant. Un ramassage de coquillages entraîne nos jeunes héros à enquêter sur un ancien accident au cours duquel le chauffard a pris la fuite alors qu’un homme est découvert mort sur la banquette arrière d’un véhicule, visiblement suicidé par ingestion d’un poison. C’est à la fois très simple et très ingénieux, chapeau ! Vient alors une histoire de message crypté et de chat malicieux : plaisant mais hautement dispensable, d’autant que nombre d’éléments font appel à la langue japonaise, ce qui rend donc une partie de la résolution trop lointaine à mes yeux de Français. Enfin, un esprit maléfique apparaissant à une fenêtre donnant sur une salle où quelqu’un vient de se pendre. Une histoire de meurtre en chambre en close dont la résolution est un peu simpliste mais qui réserve une ingénieuse manipulation à propos de cette fameuse fenêtre. Bref, globalement, un nouveau manga très réussi dans une série non moins très réussie !

    05/01/2020 à 18:19 1

  • Car

    Harry Crews

    9/10 La famille Mack s’est installée à Jacksonville, en Floride, et tient la casse automobile la plus importante de l’Etat. Easy, le père, gère la comptabilité. Junell, sa fille, intervient sur les routes lorsqu’il y a des accidents. Mister, le fils, s’occupe des machines à broyer les carcasses. Herman, jumeau de Mister, est un peu à part : rêveur, artiste à sa façon, il a conçu d’autres projets pour son existence. Le dernier en date ? Avaler, un morceau après l’autre, une Ford Maverick de 1971.

    Harry Crews était l’un des auteurs américains les plus déjantés qui soient, s’attachant en priorité aux êtres faibles et contrefaits, aux oubliés de l’Amérique éternelle, aux freaks et autres laissés-pour-compte. Ce roman de 1972 ne déroge pas à la règle, et constitue même l’un des plus emblématiques de sa bibliographie. C’est donc l’histoire d’Herman Mack, le méditatif un peu corpulent, qui décide de manger l’un des fétiches américains par excellence, à savoir une voiture. Il trouve en Mr Edge, propriétaire de l’un des plus beaux hôtels de la ville, un partenaire et un sponsor, puisque les ingestions de chaque élément du véhicule, d’une demi-once chacun, ainsi que chaque expulsion de son organisme seront suivies en direct par une foule de curieux, et retransmises dans le monde entier, jusqu’au Japon. Des sentiments contraires s’y télescopent : la malsaine avidité des spectateurs, le sinistre appât du gain (même lorsque le système digestif d’Herman est martyrisé et en saigne), l’ivresse de l’audimat, la crainte d’Easy pour la vie de son fils, etc. Un véritable barnum s’organise dans la salle de bal où se tient l’événement, tandis que les divers protagonistes sont confrontés aux pires contradictions, au mépris des notions les plus élémentaires d’humanité, de dignité, et de bienséance. On retrouve ce goût consommé chez Harry Crews pour les individus torturés – au sens propre comme au sens figuré –, malmenés, au passé douloureux. Herman, fantaisiste figurant d’un spectacle qui va finir par le dépasser, et dont un épisode tragique de son enfance lui aura permis de sceller, bien malgré lui, d’étranges noces avec l’univers des carrosseries. Sa sœur, qui se donne à Joe, autre spécialiste des voitures fracassées. Mister, prêt à tout pour que sa famille continue de toucher les subsides de ce show incongru, quitte à en mourir. Mr Edge, Monsieur Loyal d’un cirque qui n’a que de l’indifférence pour la condition humaine et son intégrité, pourvu que pleuvent les dollars. Un maillage de personnages heurtés, victimes d’une vision si particulière de l’American way of life. Jusqu’à la nausée. Jusqu’au vomissement.

    Assurément, l’un des œuvres les plus fortes d’Harry Crews. Un postulat de départ atypique, aussi détraqué que les plaies que l’auteur dépeint avec un cynisme jouissif et contagieux. Une pierre noire jetée dans le jardin de nos sociétés consuméristes et voyeuristes.

    21/12/2019 à 08:47 6

  • The Green River Killer

    Stéphane Bourgoin

    8/10 Soixante-et-onze « officiellement » reconnues : tel est l’ignoble décompte des victimes de Gary Ridgway, l’un des pires tueurs en série des Etats-Unis. Après Docteur Holmes, le premier tome de la série serial killer, Stéphane Bourgoin s’attaque au portrait et au parcours monstrueux de ce criminel hors-norme. Un être qui, très tôt, s’illustre par des symptômes assez communs chez les prédateurs humains : énurésie, violences sur animaux domestiques, victime de maltraitances familiales et rapports ambigus avec sa mère. L’auteur, patiemment, relate les grandes étapes de la vie de ce bourreau, dans un récit éclaté qui évite au lecteur le classique, voire attendu, récit chronologique. Avec beaucoup de pertinence et de concision, on apprend ce qu’a été l’artère principale entre Seattle et Tacoma, peuplée de malheureuses prostituées qui ont été les principales proies du tueur. C’est aussi l’occasion de deviner les débuts du profilage, avec ses premiers succès ainsi que ses erreurs (notons que Ted Bundy, également terrible tueur en série, ainsi que John E. Douglas, se sont trompés sur le portrait psychologique de cet écumeur à qui l’on a attribué le surnom de « Green River Killer », du nom de la rivière où il a abandonné certains des cadavres de ses victimes). Car Gary Ridgway n’est pas l’individu qui correspond aux poncifs – faux et trompeurs – véhiculés par le cinéma et la littérature. Un homme éminemment intelligent ? Non : son quotient intellectuel tourne autour de quatre-vingts. Ses méthodes ne varient jamais ? Non : il s’est parfois laissé aller à la nécrophilie. Un monstre asocial et marginal ? Toujours pas : il a été plusieurs fois marié, avait un emploi stable, savait se montrer élégant avec ses voisins. Encore des clichés purement cinématographiques et littéraires que Stéphane Bourgoin bat en brèche.

    Un ouvrage documentaire de grande qualité, à la fois court, précis et complet, qui réjouit autant qu’il secoue de la première à la dernière page, qui démontre tout autant le talent de son auteur que la qualité de cette série dont on attend le troisième tome en janvier 2020, avec La Bête inhumaine.

    21/12/2019 à 08:40 4

  • La Nuit tous les jouets sont gris

    Elie Darco

    8/10 Sami, vigile dans une usine de jouets gonflables, invite son frère Noa, onze ans, à rester avec lui durant sa nuit de ronde. Le programme pour le gamin est alléchant : des centaines de divertissements, offerts, du coucher au lever du soleil. Mais des intrus se présentent à la fabrique et risquent de transformer la nuit en pur cauchemar.

    Elie Darco signe ici un roman particulièrement réussi. Le postulat est pourtant simple : un huis clos avec des inconnus dont les intentions, bien que floues, sont indubitablement criminelles. Les deux protagonistes sont intéressants, notamment Noa, facétieux, porté par l’espièglerie inhérente à son âge et la perspective de pouvoir s’amuser durant de longues heures avec les babioles. Dans le même temps, sa psychologie est assez fouillée, avec sa mère tragiquement disparue trop tôt, et dont le père, pauvre, s’est épris d’une certaine Marion que ses deux fils n’apprécient guère. Le roman est intelligemment construit, ménageant de beaux moments de suspense, avec ce qu’il faut de scènes sous tension, de cavalcades échevelées, et de confrontations prenantes avec les malfrats, dont les motivations ne sont livrées qu’à la toute fin de l’ouvrage.

    Un véritable succès littéraire de la part d’Elie Darco, dont on souhaite d’ores et déjà d’autres parutions de romans chez Rageot.

    21/12/2019 à 08:31 3

  • L'Oeil du loup

    Daniel Pennac

    7/10 … ou la touchante rencontre entre un loup et un gamin dans un zoo anonyme de France. Dit comme ça, c’est très banal, voire tarte. Mais sous la plume de Daniel Pennac, et surtout grâce à son humanité et l’élégance de ses propos, cela prend une envergure bien différente. Loup Bleu et Afrique N’Bia vont tour à tour se raconter leur histoire, avec des mots simples et justes, immédiatement accessibles aux jeunes lecteurs auxquels se destine ce roman. Loup Bleu, avec l’histoire des siens, des chasseurs, des Hommes, de la capture, et de la quête de fourrures qui va être fatale pour nombre de ses semblables. Afrique, capturé, vendu, qui va vivre sa première histoire d’amitié avec Casseroles, le dromadaire, puis devenir un berger réputé pour son intelligence (lorsqu’il propose de nourrir les lions pour que ces derniers soient moins voraces avec les troupeaux, par exemple) et la qualité des contes qu’il raconte. Un poignant et touchant récit quant à l’amitié, la camaraderie, la solidarité avec notre faune et nos mondes (j’emploie à dessein le pluriel, au même titre que le môme emploie le pluriel pour les Afriques en fonction de leurs couleurs), jusqu’à cette espèce chute à propos de l’œil unique du loup et du gamin. Même si, nécessairement, la même innocence et la même appétence de belles histoires à morale que le jeune lectorat, cet ouvrage m’a séduit, et je ne pourrai que le conseiller à mes élèves.

    15/12/2019 à 18:23 2

  • Ichi The Killer tome 3

    Hideo Yamamoto

    9/10 Le troisième tome d’une série dont j’ai beaucoup aimé les précédents. Toujours ce mélange véloce, toxique et hautement infréquentable de sexe (viol et nécrophilie), de violence (encore plus poussée ici qu’auparavant) et de drogue. Ça commence sec avec une séance d’interrogatoire avec une torture à la clef, avec une épingle traversant la main d’une femme qui ne parle pas assez vite au goût du malfrat (mais il y a bien pire dans les précédents opus), et cette scène surréaliste du junkie chauve en manque qui se cache dans la télé. Encore une fois, Ichi apparaît assez tard, et je me demande si ça n’est pas mieux ainsi (après une légère déception à ce niveau-là dans le deuxième tome, je l’avoue, où une bonne partie de l’intrigue ne le mettait pas en scène) : cela permet à l’auteur de bien laisser les personnages malfrats se confronter et développer leurs psychés (férocement déviantes). Ichi va se doter de chaussures très particulières pour poursuivre son œuvre de mort, notamment pour protéger et venger son amie prostituée (la scène est mémorable, même si elle semble pompée à un épisode de « Ken le survivant »). De même, la scène finale avec elle est phénoménale. Vraiment très percutant et, à défaut de pouvoir séduire un grand nombre de lecteurs, ça m’a envoûté.

    15/12/2019 à 18:20 2

  • Crying Freeman tome 1

    Ryoichi Ikegami , Kazuo Koike

    8/10 A Hong Kong, une jeune femme de vingt-cinq, Emu Hino, ans est le témoin de plusieurs assassinats réalisés par un tueur à gages à la solde de la mafia chinoise (« Les 108 dragons »), un homme qui pleure lors de la tuerie et qui se surnomme « Mr Yo » ; dès lors, elle se sait condamnée par cet assassin qu’elle a vu et qui ne peut la laisser vivante. Un manga très particulier en raison d’un graphisme qui a nécessairement vieilli (il date tout de même de 1986), où les noirs sont très travaillés, et toujours très « classe » (la scène de sexe est à cet égard frappante, suffisamment érotique sans jamais tomber dans le voyeurisme ou le complet explicite). L’intrigue, sur le papier, est assez classique : le spadassin et sa victime désignée tombent amoureux, ce qui va créer de sacrées frictions avec les employeurs du Crying Freeman. Néanmoins, encore une fois, il ne faut pas oublier l’âge de la série, garder également en tête l’incroyable esthétique et son aspect cinématographique (pas étonnant d’ailleurs qu’il ait été adapté sur grand écran, avec certaines scènes tellement fortes qu’elles ont été gardées telles quelles), et louer les efforts scénaristiques (comme le passé de potier du « héros » et la manière dont il a été converti à l’assassinat rétribué, avec ces scènes d’acupuncture). Bref, un grand moment de littérature, tout simplement, qui n’a pas pris de ride, sauf du point de vue graphique.

    15/12/2019 à 18:19 2

  • Casse-tête

    Harry Whittington

    5/10 … ou comment, sans le moindre coup de semonce, le quotidien de Henry Wilson est bouleversé quand un inconnu au physique blafard et patibulaire vient le dérouiller sur le pas de sa porte en lui laissant une lettre de menace évoquant à la fois des menaces et un passé trouble… qui ne le concerne pas. Erreur sur la personne ? Folie ? Complot ? Ce court roman de Harry Whittington commence sur les chapeaux de roues et imprime, dès les premiers chapitres, malgré un titre en français assez tartouille, un rythme effréné. Henry Wilson est comptable au Ministère des Anciens Combattants, sans grande saveur, avec un salaire peu glorieux, au physique désagréable, et sa seule « réussite » est d’avoir épousé Lila, une magnifique jeune femme à la voix ensorcelante. Mais qui est donc ce Sammy qui semble tant lui en vouloir ? Il finira lentement par faire émerger la vérité. Et si l’entame du livre est assez sportive et intrigante, le reste l’est beaucoup moins. J’en ai même parfois perdu le fil, malgré la présence de bons moments (comme quand Henry s’en prend, dans un bar, à son bastonneur en donnant à cette empoignade des allures de retrouvailles et de bonne blague potache, ou alors les diverses tuiles que se prend notre protagoniste sur le coin du museau, avec cet enfermement dans une prison en Californie qui lui est reproché et à cause duquel il perd son boulot alors qu’il n’a jamais mis les pieds dans cet Etat) avec ce qu’il faut d’humour pour relever la saveur de l’histoire. En fait, ce scénario sur l’endossage d’une identité se dilue rapidement, en devient même brouillonne, et, lorsque tout finit par se résoudre, il m’a laissé une expression dubitative et insatisfaite aux lèvres. Bref, je ne vais pas cracher dans la soupière alors que le potage que je viens de consommer était plutôt correct, mais il m’a paru bien plus insipide et négligeable qu’espéré. Oui, voilà, c’est ça : au vu de la manière dont tout s’amorçait, j’ai lentement vu s’éclipser le fumet originel et ai été confronté à une certaine déception. Mais je tâcherai de lire d’autres ouvrages de cet écrivain, car il m’a semblé malgré tout qu’il y avait un réel talent chez cet homme : je ne suis peut-être pas tombé sur son meilleur ouvrage, voilà tout.

    11/12/2019 à 18:33 3

  • Old Boy 3

    Tsuchiya Garon, Minegishi Nobuaki

    9/10 Toujours beaucoup de maestria et de réussite pour ce troisième tome d’une série qui, à mes yeux, ne perd rien de sa valeur ni du mystère qu’elle véhicule. On suit Gotô qui poursuit sa quête tout en éprouvant les premiers vertiges d’une liberté à laquelle il ne s’attendait plus. Un combat de boxe et une série de rencontres vont faire grandement avancer son enquête. Beaucoup de noirceur et d’énigme, tandis que cet opus se clôt sur une révélation à la fois nébuleuse et inattendue. Très fort !

    11/12/2019 à 18:32 1

  • Btooom ! tome 3

    Junya Inoue

    6/10 Le troisième tome d’une série qui, à défaut de me captiver, a le mérite de me faire passer de bons moments. Ryota est encore aux prises avec la jeune fille blonde découverte dans le tome précédent, après quoi une curieuse relation se noue entre eux deux, surtout quand Ryota comprend que la malheureuse a été violée. Le mystère des raisons pour lesquelles certaines personnes se retrouvent sur cette île semble se dissiper en partie tandis que des animaux apparaissent, sortes de varans de Komodo. A mes yeux, toujours rien d’exceptionnel, mais un bon mix de tout ce que l’on a pu voir ou lire ailleurs, s’achevant sur l’apparition d’un personnage proche d’un Rambo de mangas.

    11/12/2019 à 18:31 2

  • Vengeance sanglante

    Kazuo Kamimura, Kazuo Koike

    6/10 Un manga qui mixe habilement divers codes : le film japonais de sabre, les arts martiaux, le polar, la vengeance, l’aventure, avec pas mal de violence et de sexe. Les auteurs rappellent d’ailleurs, dès l’entame, leurs préférences cinématographiques et autres, rendant donc une forme d’hommage appuyé à ces différents prédécesseurs. Néanmoins, le graphisme un peu fade selon moi (même s’il met bien en valeur l’action lors des combats), la répétition de scènes de sexe et un scénario un peu pâlot font que je ne suis pas certain d’être au rendez-vous des opus suivants.

    11/12/2019 à 18:30 2