El Marco Modérateur

3219 votes

  • La Voie fiscale

    Stephen Desberg, Bernard Vrancken

    6/10 L’IRS, pour « Internal Revenue Service », permet de récupérer l’argent que tentent de frauder des Américains peu scrupuleux (doux euphémisme). Parmi l’un de ces dix agents, Larry B. Max. Un personnage héroïque et cinématographique des termes, à savoir beau gosse, athlétique et brillant, sans la moindre aspérité. Son rare passe-temps est d’appeler Gloria au téléphone, une call-girl à l’identité incertaine. Côté boulot, un accident de voiture va le mettre sur la trace de la spoliation des biens appartenant aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Un graphisme un peu daté (mais la BD a tout de même plus de vingt ans), de l’action juste ce qu’il faut (à mi-chemin entre le côté hollywoodien et outrancier de la chose et le minimum syndical que les lecteurs de ce genre de BD peuvent attendre), et un scénario plutôt intéressant. Mais je reste un peu sur ma faim, tant pour l’esthétique un peu trop aseptisée à mon goût, et le récit qui ne creuse pas assez le sillon (mais peut-être que le tome suivant contredira mon jugement).

    13/04/2020 à 14:24 2

  • Eveil

    Joël Jurion, Antoine Ozanam

    7/10 Harcelé par des brutes dans le même établissement que le sien, un gamin se révèle capable de se transformer en tigre pour se défendre. Cet Ange Tomassini devient alors une bête de combat, ce qui le conduit à tuer Kurt Becket, un môme qui s’en prenait à lui, sans qu’il n’en conserve le moindre souvenir. J’ai beaucoup aimé l’esthétique et le traitement des couleurs, sans compter la disproportion qui existe entre ce môme plutôt gentillet et la bestiasse qui se réveille en lui lorsque les circonstances deviennent menaçantes, d’autant qu’il va apprendre après tout le monde que son père est un ponte de la mafia. L’initiation offerte par Dan, son garde du corps et détenteur de pas mal de secrets qu’il va avouer à Ange, est également intéressante. Un bon moment de lecture, un peu plus agréable selon moi dans la forme que dans le fond, j’essaierai d’être au rendez-vous d’autres tomes de la série.

    13/04/2020 à 14:21 3

  • Deadman Wonderland tome 1

    Jinsei Kataoka, Kazuma Kondou

    6/10 « Dix ans après le grand tremblement de terre de Tokyo, une prison est au centre de l’activité touristique qui est censée assurer la reconstruction de la capitale. C’est la seule prison privée du Japon ». Le jeune Ganta, quatorze ans, voit ses camarades de classe subitement mutilés et tués par un mystérieux homme rouge volant. Mais sa version des faits n’est pas acceptée par la justice et il est condamné à la peine de mort. Pour lui, donc, direction la prison de Deadman Wonderland. Devenu le détenu 5580, il y découvre des règles étranges, comme l’existence de jeux mortels (quelque part entre « Running Man », Fort Boyard et ceux des gladiateurs) très appréciés des spectateurs. Bon, esthétiquement, rien à redire, on est dans du classique mais de l’efficace. En revanche, le thème de ces sports sanglants que l’on fait vivre à de pauvres bougres, prisonniers ou non, est du réchauffé (jeux vidéo, cinéma, littérature) et ce déjà-vu/déjà-lu m’a un peu fatigué. N’en reste pas moins que cet univers a titillé ma curiosité et que les scènes finales, avec la réapparition de l’homme en rouge, m’incitent à aller voir les tomes suivants.

    13/04/2020 à 14:19 1

  • Bob Morane et l’Oiseau de feu

    Dino Attanasio, Henri Vernes

    6/10 Dès la quatrième vignette de cette BD, Bob Morane et Bill Ballantine sont confrontés à une fusée jaillissant de l’eau. Aussitôt arrêtés, ils sont libérés dans la foulée par une vieille connaissance, le major Briggs. Mais les voilà embarqués dans une histoire où l’aventure (majoritaire) le dispute à l’espionnage. Un canevas classique, avec nos deux héros vraiment très héroïques, rompus au combat et perspicaces, et un méchant, Dimitri Tchou, digne des opus de James Bond. Pas mal de clichés à la chaîne (mais c’est probablement le genre et l’époque qui veulent ça, « o tempora o mores »), avec les bagarres contre les requins, le cachalot et le calamar géant, ou encore l’épisode avec la tribu de Papous cannibales (que j’ai trouvée très mal greffée à l’histoire, comme un cheveu arrivant dans la soupe). Bref, ça aligne gentiment les éléments attendus et ça distrait, mais ça ne m’a pas pour autant renversé, même si je garde à l’esprit que cette bande dessinée a soixante ans et qu’elle est nécessairement tributaire du temps qui a passé.

    13/04/2020 à 14:19 1

  • Aime ton prochain tome 1

    Daisuke Chida

    6/10 Il y a six ans de cela, Saki a prouvé son amour inconditionnel (et dément) pour Kazumi par un acte sanglant avec un cutter. Désormais en deuxième année de lycée, Shino s’est amourachée de Kazumi. Quand tous les deux découvrent un lapin tué avec un cutter, pour le jeune homme, le doute n’est plus permis : Saki est de retour, et elle ne compte pas laisser faire cette idylle. Un précipice sépare le graphisme plutôt gentillet de ce manga des fulgurances de sang, de folie et de sexe (très courtes à chaque fois) qui parsèment cet opus. On y découvre donc la folie érotomane de Saki (qui n’est pas sans rappeler le film « Liaison fatale » avec Glenn Close et Michael Douglas, avec même un sacré clin d’œil), timbrée au point de se trimbaler avec l’urne funéraire contenant les cendres de sa prime victime. Bref, une atmosphère oppressante et anxiogène, habilement servie par un scénario intéressant mais pas non plus d’une immense originalité, et par une esthétique volontairement décalée qui sert le récit. J’ai trouvé ça plutôt pas mal.

    13/04/2020 à 14:18 1

  • Le Cauchemar d'Innsmouth

    Howard Phillips Lovecraft

    9/10 … ou comment le narrateur, un peu par hasard, en vient à se rendre au village portuaire d’Innsmouth, où il surprend de nombreuses étrangetés, dont une certaine physionomie curieuse chez les habitants, un rite impénétrable, et bien pire encore, jusqu’à ce que les dernières pages révèlent un lien inattendu et intime entre la cité et lui-même. Une nouvelle très forte, encore une fois bien anxiogène et saturée de mystères, faisant pénétrer assez loin dans la cosmogonie lovecraftienne. Pas mal de scènes intéressantes et déjà « visuelles », depuis la poursuite du protagoniste depuis la chambre jusqu’aux descriptions physiques des autochtones, et ce jusqu’au final, efficace, et qui a certainement dû marquer pas mal de lecteurs et d’auteurs.

    13/04/2020 à 14:17 5

  • Comme un frère

    Samuel W. Taylor

    4/10 … ou comment il arrive une bien curieuse mésaventure à Charles – surnommé « Chick » - Graham en revenant de la gare : son épouse Cora ne vient pas le chercher. Il l’appelle, et à sa plus grande surprise, Cora ne s’émeut pas de son coup de fil, voire croit en un canular, et pour cause : Chick est déjà à ses côtés, dans leur maison. Un sosie ? Une manipulation ? Le premier symptôme de la démence ? Dans le même temps, on en vient à prendre Chick pour Albert Rand, qui vient de prendre la poudre d’escampette avec deux millions de dollars en bons du trésor. C’est cette histoire de ressemblance ou de substitutions d’identité qui m’a fait acheter ce livre, car j’étais intrigué par la manière dont l’auteur, Samuel W. Taylor, viendrait à la traiter. Mais j’ai été sacrément déçu par le traitement, justement. Cela commence plutôt bien, avec quelques bonnes réparties, une écriture qui est tout sauf déplaisante, et les premières pages qui défilent à toute allure. Rapidement, je déchante : je ne sais pas exactement ce qui a le plus étouffé mon plaisir. Ces dialogues qui, malgré leur humour à froid, n’en finissent pas de ne pas en finir au point d’en paraître presque parodiques et de m’extraire du cœur de l’intrigue ? Ce complot à petite échelle qui est trop vite dévoilé, et qui ne parvient pas à tenir la distance d’un roman de près de deux cents quarante pages ? Ces personnages qui ne m’ont jamais touché, d’autant que le récit à la première personne permet, de fait, une immersion dans un individu qui n’a que bien peu de saveur ? Ou, plus globalement, ces longueurs dans le récit où, à la place d’une intrigue complexe et bien charpentée, j’ai eu souvent le sentiment que tout était inutilement filandreux ? Alors, il y a bien quelques éléments positifs pour relever l’ensemble (par exemple, l’utilisation des chiens, comme l’annonce en quelque sorte l’illustration de la première de couverture), mais cela reste bien maigre à mes yeux. Si tout le bouquin se laisse lire, j’ai eu l’impression d’assister à une pièce de théâtre où les acteurs surjouaient, et en plus improvisaient en raison d’un script famélique ou inachevé. Une déception.

    13/04/2020 à 14:15 1

  • Un Homme doit mourir

    Pascal Dessaint

    7/10 Boris a trente-six ans et travaille pour l’entreprise Nature & Co, prodiguant des expertises, très souvent de complaisance pour des entreprises qui placent le profit avant le principe écologique. Dans le même temps, Alexis s’en va rejoindre la superbe et monstrueuse villa que Raphaël a fait bâtir dans les Landes, juste en face de l’océan. Des personnages que rien ne prédisposait à ce qu’ils se rencontrent. Et pourtant…

    Toujours aussi militant, Pascal Dessaint signait ce livre en 2017. On y retrouve sa plume si particulière, animée d’engagements que l’on devine sincères et profonds, et prompt à mettre en avant les âmes humaines, les activismes et la protection d’une certaine vision de l’humanité. C’est ici l’écologie qui prime, et qui est examinée à travers divers points de vue, au gré de ce roman choral fort prenant. D’Alexis, très démonstrateur avec son SUV Audi et ses bagages hors de prix, à Raphaël qui s’est éperdument moqué de la protection de l’environnement pourvu que sa bâtisse ait pu être construite, en passant par Émeric et son projet de parc à vagues, c’est un éventail de personnages peu scrupuleux, avides et uniquement intéressés par leurs propres intérêts qui se déploie sous nos yeux. Dans le même temps, d’autres êtres apparaissent et viennent corriger cette trajectoire purement consumériste et individualiste : Mélissandre, empressée de défendre la cause de la planète et rejoindre les rangs des adeptes d’une ZAD, ou encore un oncle écolo qui n’hésite pas à user de la force pour soutenir les intérêts qui lui semblent justes. Des individus tranchés, représentatifs des diverses franges de la population, et même si la plume de Pascal Dessaint est charmante et captivante, ces portraits psychologiques et moraux auraient pu être plus nuancés, moins binaires et forcés. L’histoire recèle de petits bijoux de descriptions, que ces dernières concernent la faune ou la flore du sud-ouest, et c’est avec ravissement que l’on se balade dans ce microcosme si particulier. En outre, certains éléments viennent raviver, tout au long du récit, l’intérêt du lecteur, comme ce chargement d’un transport de fonds qui s’évapore, un inconnu bloqué dans une cave, ou encore les forces de la Nature qui viennent durement rappeler aux hommes la férocité de sa colère. Mais il est vraiment dommage que Pascal Dessaint se soit montré si manichéen dans les peintures psychiques de ses protagonistes, même s’il est évident que certaines d’entre elles existent.

    Au final, un autre bon roman de la part de l’auteur, si brillant, qui a signé, entre autres, Du Bruit sous le silence, Les Pis rennais, Le Bal des frelons ou Tu ne verras plus, mais qui s’est peut-être laissé égarer par la fougue de son propre militantisme, au risque de réduire les adversaires qu’il combat à des clichés trop appuyés, alors que sa cause est fort belle.

    08/04/2020 à 08:40 2

  • Le Coffret maléfique

    Paul C. Doherty

    8/10 1381. Frère Athelstan, dominicain, est appelé pour enquêter sur une série de mystères. Deux hommes de foi assassinés dans une église, le cercueil vidé de la dépouille de la mère d’un inquiétant bandit, et un coffre soulagé de son contenu. Et quel est le lien avec ces deux cadavres, embaumés, découverts non loin de là ? Une intrigue sinistre qui obligera notre limier à remonter jusqu’à un drame qui a eu lieu dix-huit ans plus tôt.

    Ce dix-huitième opus de la série consacrée à Frère Athelstan est un véritable délice. Avec une plume saisissante, Paul Doherty nous dépeint avec un réalisme extraordinaire l’atmosphère londonienne de cette fin du quatorzième siècle. Même si la phrase du Publishers Weekly retranscrite sur la quatrième de couverture insiste sur le « contexte politique de l’époque », force est de reconnaître que c’est davantage une représentation particulièrement sombre des bas-fonds et de la criminalité. Petit peuple des égorgeurs, des prostituées, des estaminets interlopes, au premier rang desquels on trouve Simon Makepeace, dit « Le Boucher », la plus terrible des brutes et des truands de la ville. Un être ignoble et patibulaire, vivant dans une habitation aux allures de camp retranché et protégé par une meute de chiens monstrueux. Il faudra à notre dominicain toute sa sagacité et son calme pour pouvoir, dans le chaos ambiant, résoudre cette suite d’énigmes, toutes liées au mystérieux naufrage d’une barge royale presque deux décennies auparavant.

    Paul Doherty livre ici une réussite littéraire plurielle : érudite tout en étant distractive, elle offre également une solide enquête policière, uniquement résolue dans les ultimes instants du roman. De la première à la dernière page, un ravissement.

    08/04/2020 à 08:31 2

  • Inspecteur Kurokôchi Vol.1

    Koji Kono, Takashi Nagasaki

    8/10 Un manga qui commence fort, avec la découverte du cadavre d’une jeune femme, tuée par un homme politique éminent, et avec l’inspecteur Kurokôchi, prêt à fournir un alibi au meurtrier en échange d’argent. On lui adjoint le jeune policier Shingo Seike pour faire définitivement tomber ce ripou. Mais une tuerie vieille de quinze ans, impliquant quelques politiciens de haut rang, pourrait être à l’origine de la manœuvre de Kurokôchi, qui, après des années de corruption passive, cherche un moyen de réaliser enfin une bonne action. Voilà un manga plus que plaisant, au graphisme particulièrement léché et prenant, qui propose un personnage central très original, et bien moins cliché que prévu. Des chapitres efficaces (portant tous le nom d’une couleur) pour une histoire qui ne l’est pas moins, avec de belles manipulations et autres jeux de pouvoir. Je suis ferré, je serai au rendez-vous d’autres opus de la série.

    07/04/2020 à 08:49 1

  • Sains et saufs ?

    Charlie Adlard, Robert Kirkman

    7/10 Une bonne baston pour nos héros dès le début, pensant trouver dans ce pénitencier un asile. Une entraide inattendue avec des prisonniers, quelques moments poignants, des cas de conscience, et des attaques de zombies bien senties, pour cet opus toujours aussi dynamique qui s’achève sur une mise en joue inattendue. Le suspense est donc habilement maintenu pour aller voir ce que le tome suivant nous réserve.

    07/04/2020 à 08:48 2

  • Détective Conan Tome 67

    Gosho Aoyama

    6/10 La suite et fin de l’intrigue débutée dans l’opus 66 : une habile et intéressante histoire de passe-passe. Ensuite, une tentative de suicide qui débouche sur un type bardé d’explosifs et qui menace de se faire sauter, faisant ressurgir une histoire ancienne ayant eu lieu en pleine montagne : pas mal, mais manquant un peu de suspense à mon goût, et surtout un poil trop longuette. Puis mademoiselle Kobayashi découvre un cadavre dans une ruelle mais n’a fait qu’entrapercevoir la meurtrière. Un récit inachevé et qui, au moment à ce tome s’achève, ne m’a pas particulièrement remué les sangs. En bref, un opus sympa, certes, mais plutôt en deçà du reste de la série.

    07/04/2020 à 08:47 1

  • La Couleur tombée du ciel

    Howard Phillips Lovecraft

    9/10 … ou comment le quotidien d’un village, Arkham, et surtout de la famille Gardner, fut bouleversé et traumatisé dans les années 1880 par la chute d’une météorite, accompagnée ensuite de phénomènes étranges et anxiogènes : la végétation, la flore puis les êtres humains vont être contaminés par cette chose anormale venue du ciel, dans ce que les autochtones appelleront ensuite la « lande foudroyée », même un demi-siècle plus tard. Une nouvelle majeure de H. P. Lovecraft, que j’avais lue quand j’étais adolescent, et que je viens de relire avec la même délectation. Une écriture particulièrement savoureuse et admirable, avec ce qu’il faut de gothique et de suranné, même si certaines des tournures peuvent, peut-être avec le recul et en raison des ans qui ont passé, paraître un peu déclamatoires. Mais, alors que je tourne la dernière de la cinquantaine de pages qui constituent cette histoire, je ne peux que confesser l’étrange ensorcèlement des mots du génial auteur, des ambiances si férocement croquées, et de cette atmosphère maudite et maléfique qui, un peu à la manière de l’aérolithe et de l’eau décrits dans le texte, exerceront encore sur moi une forte influence. Je vais de ce pas me ruer sur les autres nouvelles de Lovecraft.

    07/04/2020 à 08:45 3

  • Psychometrer Eiji tome 2

    Masashi Asaki, Shin Kibayashi

    7/10 Eiji est sur la piste du tueur en série Moebius, et il pense même avoir deviné son identité. Toujours autant de panache dans l’histoire comme dans le graphisme, mêlant le sérieux avec quelques visages volontairement décalés façon manga humoristique. Un humour toujours présent (comme quand il souhaite avoir une vision en posant son doigt sur la culotte de Ryôko… mais découvre dégoûté qu’il s’agit de celle de sa grand-mère…). Puis une histoire de bombe, prévisible puisque 500 kg de dynamite ont été précédemment dérobées, éclate. Plus de noirceur et d’action, moins d’humour : je préfère, à titre personnel. Une fois encore, il faudra aller à l’opus suivant pour connaître la résolution de cette histoire de « pomme à retardement ». Rien de très novateur ni de mémorable, mais c’est distractif et plutôt bien écrit et dessiné.

    07/04/2020 à 08:43 1

  • La Disparition d'Annie Thorne

    C. J. Tudor

    9/10 Adolescent, Joe Thorne a vécu une terrible épreuve : sa jeune sœur, Annie, a disparu avant de réapparaître quarante-huit heures plus tard. Nul ne sait exactement ce qui lui est arrivé, mais il a nettement senti que quelque chose en elle a changé. Désormais adulte, il revient à Arnhill, la ville de son enfance, pour y intégrer l’établissement où il va être professeur. L’occasion de retrouver de vieilles connaissances, mais également de tirer au clair certains mystères et régler des comptes avec le passé.

    De C. J. Tudor, on connaît déjà l’excellent Homme craie, et c’est avec le même plaisir que l’on se laisse envoûter par les pages de ce roman. D’entrée de jeu, le lecteur est propulsé dans le vif – voire le mort – du sujet : deux policiers pénétrant dans un pavillon où une femme s’est suicidée après avoir tué son fils. Le reste de l’ouvrage est à l’avenant : dense, fort et noir, comme un remarquable café au parfum entêtant et saturé de substances tonifiantes. On suit donc Joe Thorne, ancien joueur invétéré, criblé de dettes et à la forte claudication, revenir sur les lieux qui l’ont tant marqué lorsqu’il était plus jeune, tandis que les spectres de temps non révolus ressurgissent. Les amours éconduites, les amitiés artificielles et toxiques, les mensonges dissimulés. Avec son art consommé des dialogues qui claquent, C. J. Tudor n’a guère son pareil pour rendre ses protagonistes aussitôt crédibles, avec leur part d’humanité et leurs terribles zones d’ombre. Avec quelques habiles flashbacks, on revoit ce qui a eu lieu en 1992, au temps de la fausse innocence, des camaraderies trompeuses et des élans avortés du cœur. Car il serait bien trompeur de n’en rester qu’au résumé de la quatrième de couverture : l’intrigue est bien plus complexe et dédaléenne que cela. C’est ainsi que l’on retrouve, vingt-cinq ans plus tôt, Joe, Stephen Hurst, Christopher Manning, Marie Gibson et Nick Fletcher, en train de faire une découverte qui changera à jamais leurs existences et déviera mortellement la trajectoire de leurs vies. On se souviendra longtemps de cet épisode du passé, épisode détonant qui engendrera de puissantes impulsions de lâcheté, ainsi que de certains personnages, dont Gloria, terrible femme de main et recouvreuse de dettes, aussi attirante que venimeuse.

    La presse a parfois comparé C. J. Tudor à Stephen King. L’argument peut se comprendre, mais il n’en demeure pas moins que cette écrivaine a un talent fou pour bâtir des intrigues fortes et mémorables, servies par des réparties incisives. À tel point que même avec seulement deux livres traduits en français comme arguments, elle peut désormais s’affranchir de tout rapprochement littéraire pour être manifestement reconnue comme un auteur de très grande envergure.

    31/03/2020 à 08:23 11

  • Une poire pour la soif

    James Ross

    8/10 Début des années 1940, à Corinth, un patelin perdu de la Caroline du Nord. Jack McDonald, comme la plupart de ses concitoyens, survit plus qu’il ne vit. On s’apprête à lui prendre son exploitation en raison d’un lourd arriéré d’impôts, et il ne voit vraiment pas comment trouver la somme nécessaire. Il accepte l’offre de Smut, en l’aidant dans le roadhouse qu’il érige à la lisière de la ville. Un tripot, où l’on peut boire, manger, danser et jouer. Mais la misère et l’appât du gain peuvent souvent mener les hommes au meurtre.

    Unique ouvrage de James Ross, sorti en 1940 et acclamé par Raymond Chandler, il n’en est pas moins resté sans le moindre succès. Une déveine pour ce roman noir qui méritait un bien beau succès. L’écriture de l’auteur est remarquable, typique de l’époque : un style épuré, rongé jusqu’à l’os, employant de nombreuses formules populaires, collant avec une justesse remarquable au dénuement des personnages qu’il met en scène. Une immense majorité d’indigents, vivotant de petits boulots, sans le moindre espoir de pouvoir un jour quitter ce bled de malheur, et encore moins de faire fortune. Pour se consoler, il y a bien la gnôle et les filles, mais c’est bien tout. Alors, quand Jack – le narrateur – et Smut apprennent qu’il y a de l’argent à ponctionner à l’une de leurs connaissances, ils n’hésiteront pas longtemps, quitte à lancer un mécanisme qui les broiera. Des ressorts scénaristiques certes classiques, mais sacrément efficaces, d’autant que James Ross met en lumière des sentiments et attitudes toxiques sans jamais apporter le moindre jugement extérieur, tel un entomologiste décrivant avec des termes secs et cliniques le comportement des animaux qu’il observe.

    Un roman typique qui saura ravir les amateurs du genre, tout en présentant cette étrange spécificité que d’être méconnu. Un peu comme on redécouvre un jouet inusité ou oublié dans un grenier, et qui présente donc d’autant plus d’attrait. Un opus qui mérite en conséquence que l’on s’y intéresse.

    31/03/2020 à 08:19 3

  • L'Amie du sous-sol

    Rolland Auda

    9/10 Cela fait plusieurs jours que Létho, collégien, n’a plus vu sa camarade Alma dans son établissement. Est-elle malade ? A-t-elle des soucis ? Létho finit par la retrouver, elle lui avoue qu’elle est obnubilée par un mystère : elle est persuadée qu’il y a un fantôme tapi dans la Fabrique, c’est-à-dire l’ancienne miroiterie qui jouxte son appartement. Mais il y a des secrets qu’il vaut mieux ne pas essayer de comprendre.

    Avec cet ouvrage, paru dans la même collection Hanté et le même jour que La Maison sans sommeil de Thibault Vermot, Rolland Auda frappe fort. Comme l’indique l’éditeur, Casterman propose une littérature pour les plus de dix ans, « pour ceux qui n’ont pas peur d’avoir peur ». L’essai est ici amplement transformé. L’auteur livre un récit à la fois dense et concis, parfaitement calibré pour satisfaire son jeune lectorat qui cherche un ouvrage fort et court. L’histoire est habilement menée, prenant son temps pour poser le décor, le socle de l’intrigue et ses personnages. Mais quand elle est lancée, c’est un délice de frissons et de suspense. Il faudra que Létho déploie des trésors de courage et de sagacité – même s’il sera aidé par Ahmed Lakhlef, un vieux chercheur de fantômes et dont les émissions sont consultables sur YouTube – pour démêler ce sombre récit de spectre. Car les émotions fortes seront au rendez-vous : les passages dans le souterrain, avec les apparitions, les étranges chorégraphies des sacs-poubelle, ou encore les moments passés près du gouffre constituent autant de scènes très cinématographiques et anxiogènes. Et que dire du final… Même s’il est proche de celui d’un film très connu, on se prend le twist final en plein visage, obligeant à une relecture totale du roman. Une sacrée réussite scénaristique.

    Rolland Auda s’impose, d’un coup d’un seul, comme un très grand écrivain. Espérons tout autant pouvoir relire le plus vite possible d’autres ouvrages de sa plume, comme de cette collection.

    31/03/2020 à 08:12 1

  • Dr. DMAT tome 1

    Akio Kikuchi, Hiroshi Takano

    7/10 DMAT, pour « Disaster Medical Assistance Team », à savoir une équipe intervenant directement sur les lieux d’un drame ou d’un accident afin de sauver sur place le maximum de personnes. Cela commence par un carambolage dans un tunnel et se poursuit avec un immeuble en feu. Un graphisme très travaillé et réussi pour un pitch innovant, où l’on apprend d’entrée de jeu à connaître les différents personnages constituant cette équipe de secourisme de l’extrême. Cela donne lieu à des opérations chirurgicales effectuées au plus pressé, comme cet exemple de l’intubation trachéale où l’un des sauveteurs maintient carrément la langue du patient avec deux épingles à nourrice. Des moments difficiles pour ces médecins (sans que jamais l’esthétique du manga tourne au sanglant ou au vilain voyeurisme), et même les actes et termes médicaux sont bien expliqués (souvent avec un schéma). Je ne suis pas, de base, fan de tout ce qui est médical, mais là, ma curiosité est titillée. Je vais voir d’autres opus de cette série, vraiment originale et prenante pour le moment.

    30/03/2020 à 08:44 1

  • Psychometrer Eiji tome 1

    Masashi Asaki, Shin Kibayashi

    7/10 Un tueur en série vient à nouveau de frapper : Moebius, avec sa manie de retourner les vêtements de ses victimes. Dans le même temps, Eiji Asuma a une vision à propos de ce dernier crime. Il s’avère vite qu’il a le don de « psychométrie », à savoir une forme de prescience. Il va faire équipe avec la belle policière Ryôko Shima. Mais la menace ne fait que s’amplifier pour Eiji quand c’est une jeune fille, dans la classe de sa sœur, qui est la nouvelle victime de Moebius. Une entame rapide, on est immédiatement dans l’intrigue. Un graphisme assez léché, même si le dessinateur se laisse aller de temps en temps à de courts délires érotiques et burlesques typiquement mangas. L’intrigue, assez classique (n’oublions pas que ça date de 1996, elle était peut-être plus originale à l’époque, comme le dénote notamment la scène du profil psychologique du criminel dressé par Ryôko, elle aussi un peu datée), tient bien la route, et est intéressante quand la médiumnité d’Eiji est complétée par le profilage mené par Ryôko. C’est un régal de suivre cette histoire, inachevée à la fin de cet opus, et qui donne envie d’en lire la suite. Je serai au rendez-vous d’autres mangas de cette série.

    30/03/2020 à 08:43 1

  • Détective Conan Tome 66

    Gosho Aoyama

    7/10 Suite et fin de l’intrigue amorcée dans le manga précédent, avec ce fameux « mur rouge », où la couleur prend un sens très particulier. Vraiment très intéressant. Puis un cadavre découvert après une séance de cinéma : une histoire vite résolue, ce qui n’empêche pas qu’elle est prenante et pertinente. Ensuite, une histoire de remise maléfique où Conan est persuadé d’avoir vu beaucoup de trésors à l’intérieur… alors qu’il n’y en a pas. Un peu gros, mais très ingénieux. Ensuite, une intrigue autour d’une amulette : assez faible à mes yeux. Enfin, une victime étranglée dans les toilettes, et l’opus s’achève sur cette macabre découverte. Vivement le tome suivant.

    30/03/2020 à 08:42 1