La Route de Santa Anna

  1. Un go fast audacieux

    Ancien pilote de stock-car, Markh n’est plus que l’ombre de lui-même. Un cartel mexicain de la drogue fait appel à ses services pour un emploi assez particulier : profiter d’une œuvre d’art ressemblant à une rampe et construite de part et d’autre de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique pour transporter drogue et argent liquide. Mais rien ne va se passer comme prévu.

    Serge Brussolo est un auteur qui sidère. Sa bibliographie est particulièrement étoffée, et il ne cesse de naviguer vers les nombreuses rives de la littérature (policier, science-fiction, aventures, etc.). Avec cet ouvrage, il trouve le moyen de continuer à étonner. On retrouve son style si particulier, empruntant beaucoup aux auteurs et à l’univers américains, avec notamment de multiples références de vocabulaire et autres citations. Ses personnages sont toujours aussi bien croqués. Markh, cascadeur sur le retour et dont un ancien amour, mort lors d’une chute automobile, continue de lui murmurer des conseils. Cette famille vivant dans un mobil-home, avec un grand-père ancien militaire, une mère qui a autrefois travaillé dans le rodéo, une fille éprise de liberté et un fils déficient mental après un accident. Un chef de cartel, lui-même sous la coupe d’une vieille dame aux allures si anglaises. Tout ce (pas si) beau monde, on s’en doute un peu, va se télescoper et ouvrir un jubilatoire jeu de massacre. Le roman est très agréable à lire, et l’on s’en régale de bout en bout.
    Ce qui est typique de Serge Brussolo, c’est cette propension à surenchérir. Quand Markh est protégé par une ancienne universitaire, de longues pages se déploient pour nous expliquer son parcours, la paranoïa qui s’est emparée d’elle, et les Indiens qui vécurent dans la grotte. De même, le véhicule employé pour franchir la frontière revêt des caractéristiques parfois si développées et excentriques que l’on en perd en crédibilité. Certains lecteurs reprocheront à l’écrivain ces exagérations quand d’autres y verront plus le signe d’un débordement d’idées.

    Serge Brussolo est une sorte de gourmet qui, ayant si envie de régaler ses invités, multiplie les ingrédients dans sa recette pour ne pas décevoir, et ce roman est à cet égard significatif de cette envie fort louable. On sort ainsi de sa table littéraire rassasié et satisfait du repas, sans avoir guère envie dans la foulée de se ruer sur une autre nourriture.

    /5