Les rêves de guerre

  1. Vingt ans après...

    1989. Michel Molina est inspecteur au SRPJ de Lyon. Lorsqu'il apprend qu'un Écossais, Paul Wallace, a été retrouvé noyé sur les bords du Léman et que le principal suspect est Jean Métral, cela ne peut que l'intriguer. En effet, Molina connaît bien ce coin pour avoir grandi à Yvoire. En 1969, alors qu'il n'avait que 17 ans, c'est Ben, le fils de Paul Wallace et meilleur ami de Michel, qui était assassiné, et déjà le même Métral qui fut désigné coupable et incarcéré. Cette « coïncidence » est trop louche pour Molina, qui décide de se rendre sur place, contre l'avis de ses supérieurs et sur ses congés, accompagné d'un collègue, le revêche inspecteur Grubin.

    Le roman s'ouvre, le temps de quelques pages, en 1944 et sur des personnages qui viennent de s'évader du camp de Mauthausen. Sans trop rien dévoiler, on peut dire qu'on sera amenés à les recroiser. On se retrouve ensuite en 1989, à suivre l'enquête officieuse de Michel Molina, amené vingt ans plus tard à retourner dans la région de son adolescence. Forcément, il y retrouve des (ex-)amis et des connaissances qui ne sont pas particulièrement ravi-e-s de le retrouver, surtout quand il s'agit de mettre son nez dans leurs affaires.
    François Médéline semble prendre plaisir à faire évoluer ses personnages dans les années 1980, distillant au fil des pages autant de petits détails de l'époque. Molina, avec ses fêlures et son sale caractère, est au moins aussi intéressant que « le Vieux », pourtant bougon, paraît sympathique. Pendant que Molina enquête, son collègue se croit déjà en préretraite, se contentant de parties de pêche sur le lac et de siffler tout ce qu'il trouve dans le frigo de l'hôtel.
    Souvent déstabilisante et plutôt éloignée des canons du genre dans le fond (s'intéresser à la littérature, au métier d'écrivain et faire intervenir Bernard Pivot n'est pas chose fréquente dans le polar) comme dans la forme (ici, pas de chapitres ultra-courts ou de cliffhangers à gogo), l'intrigue tissée par François Médéline n'en est pas moins passionnante. Loin d'être cousue de fil blanc, et malgré un rythme plutôt lent, elle tient le lecteur en haleine sur la durée, lui assénant dans le final quelques rebondissements bien sentis. Malgré la noirceur générale, l'humour est un peu présent, surtout dans les dialogues (quelques « punchlines » savoureuses nous font sourire).

    Les rêves de guerre, mêlant plutôt habilement intrigue policière, histoire, littérature et questionnements philosophiques, est une réussite dans son genre. Roman noir plus intelligent que la moyenne, il rebutera peut-être certains lecteurs qui le trouveront éventuellement trop difficile d'accès. Pour les autres, il donnera sans doute envie de poursuivre avec l’œuvre trop méconnue de François Médéline. Signalons que son premier roman, La politique du tumulte, est désormais disponible en poche.

    /5