Petite Louve

  1. Sauvages

    Il y a la mère. Il y a la petite.
    La petite est une ado presque comme les autres. Mutique, Dr. Martens aux pieds, elle aime lire et écouter la musique de son Ipod. Si elle n'est pas tout à fait comme les autres et souffre encore de réactions étranges au contact des gens, c'est que la petite a été violée.
    La mère est seule depuis cette histoire qui a fait voler son couple en éclats. Le père n'a pas supporté le quotidien avec deux femmes brisées. La faute à un vice de procédure, le violeur n'a pris que quelques années de prison. Alors la mère a décidé de l'attendre à sa sortie et de rendre la justice à sa façon.
    Puis ce sont les frères de ce dernier qui veulent la peau de la mère. Et de la petite tant qu'à faire, vu que c'est à cause d'elle que tout ça a commencé.

    Pour son premier roman – qui est d'ailleurs le seul à ce jour – Marie Van Moere n'y va pas avec le dos de la cuiller. L'action et la tension sont présentes dès le départ du roman qui voit la mère fuir Marseille avec la petite. Direction la Corse, au débotté, pour mieux tromper l'ennemi. Les chapitres sont courts, incisifs et l'auteur leur a donné des titres qui sont sont autant de verbes courants à l'infinitif : enterrer, traverser, échouer...
    Bien qu'elle aille droit au but et sans prendre de pincettes, l'auteur ne laisse pas ses personnages sans sentiments, bien au contraire. On ressent fortement les émotions des deux femmes sans que l'auteur ait besoin de s'étendre outre mesure. La petite, mal dans sa peau, qui essaie d'oublier, voire de s'oublier, en se créant un cocon de livres et de musique. La mère, qui se sent coupable pour sa fille et dont la rage, inextinguible, ne s'éteindra, éventuellement, qu'une fois cette page tournée.
    Forcément, les frères du violeur, bien que pas très futés, vont retrouver la trace des deux femmes. Forcément, ce genre d'histoire ne peut pas bien se terminer pour tout le monde.
    Mais là où une histoire de vengeance et de fuite somme toute assez classique dans sa trame aurait pu faire pschitt, Petite louve se lit d'une traite et secoue durablement le lecteur. Grâce à la force de l'écriture surtout, mais aussi à quelques rebondissements pas piqués des hannetons et au cadre assez atypique – l'auteur vit en Corse et donne à voir l'île de Beauté avec réussite.

    Si le texte n'est pas à conseiller à tout le monde en raison de sa thématique et de la violence – sous plusieurs formes – qui en découle, ce premier roman fait fort. Le portrait sans fard de deux femmes que la vie n'a pas épargnées mais qui s'aiment à leur façon et essaient de s'en sortir. Coûte que coûte ! A la dure !

    /5