Mortel Sabbat

(Crimson Shore)

  1. Les enfants du marais

    Etrange affaire que celle que l’on vient proposer à l’agent Pendergast : Percival Lake lui demande d’enquêter sur un vol commis dans sa cave, à Exmouth, petit village côtier du Massachusetts, où trônent des vins très rares. Pendergast découvre sur place une alcôve où a été torturé, il y a fort longtemps, un homme. Puis c’est un historien, venu se renseigner sur un naufrage survenu à la fin du 19ème siècle, qui est tué non loin des marais d’Exmouth. Voilà une histoire inquiétante, d’autant que viennent s’y agglomérer les fantômes de sorciers.

    Pour ce quinzième ouvrage de la série consacrée à Pendergast, les auteurs, Lincoln Child et Douglas Preston ont fait fort, très fort. Partant d’une histoire en apparence simple, tout va très vite se compliquer et mettre à rude épreuve l’agent du FBI ainsi que sa protégée, Constance Greene. Un être sillonnant les marais que l’on surnomme le Faucheur gris, des corps mutilés sur lesquels un dément a gravé des symboles cabalistiques, un passé menaçant concernant le naufrage d’un navire à la cargaison inconnue, des sorciers… Les ingrédients ne manquent guère, et la totalité du livre se dévore, de la première à la dernière page. Comme d’habitude – et il y a comme ça des coutumes dont on ne se lasse pas, le style et le rythme que les deux auteurs impriment à l’histoire sont sidérants : les pages défilent à une vitesse effrénée, les chapitres s’emboîtent à merveille. Une véritable dépendance littéraire dont nous sommes si nombreux à nous shooter, et sans le moindre risque physiologique. Si certains passages de cette histoire sont assez glauques et effrayants (les découvertes de Constance dans le souterrain, le combat ultime contre le monstre, ou la traque de Pendergast dans les marais), des touches d’un humour salvateur viennent pétiller à la surface sombre du récit, comme les premiers échanges avec la police locale ou la manière à la fois abrupte et si délicate qu’a Pendergast de convier le cuisinier du restaurant à préparer décemment le poisson. Le héros, autant du point de vue physique que psychologique, va vivre de pénibles épreuves, et Constance, en être diaphane, à la fois angoissante et redoutable dans ses réactions, saura prendre une place singulière dans l’enquête. Et il y a ce final, qui va secouer les fans de la saga. Une intuition, née d’une observation au cours du cinquante-cinquième chapitre, qui va déboucher sur l’opus suivant, Noir sanctuaire, avec le retour d’un ennemi létal.

    Voilà une série littéraire absolument remarquable, inventive et diablement efficace, qui ne semble que très rarement perdre son souffle. Reconnaissons à Lincoln Child et Douglas Preston leur incroyable productivité qui ne cesse d’envoûter, et dont cet ouvrage, comme tant d’autres, en constitue l’un des multiples exemples. Assurément, l’une des sagas policières les plus addictives. On en redemande, encore et encore !

    /5