Où es-tu Camille ?

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  • 8/10 Il n’aura fallu qu’un moment d’inattention de la part de la baby-sitter pour que la petite Camille disparaisse. Ses deux parents, Céline et Rolland Coudert, sont éperdus de douleur. Deux policiers, Maroun et Carpentier, sont mis sur l’affaire. Un cas d’autant plus inquiétant qu’il rappelle une série d’enlèvements, ceux de la Sensée.

    Ce roman de Gilles Debouverie tient toutes ses promesses. Sans le moindre temps mort, l’auteur embarque son lecteur, de la première à la dernière page. Le début du roman est en soi remarquable, presque exemplaire. Le duo de limiers va lentement éplucher les témoignages, amonceler les indices, battre toutes les pistes possibles pour comprendre où est passée Camille. Une écriture toute en finesse et en sobriété sert la crédibilité du récit, où les lieutenants de police deviennent des arpenteurs, des chasseurs, comptant sur les traces hypothétiques laissées par le kidnappeur. Les fausses pistes abondent, entre une baby-sitter s’adonnant à des jeux coquins et un jardinier rom, en passant par un voisin instituteur ayant eu des relations troubles avec des enfants. Le personnage de Johan Carpentier retient particulièrement l’attention : un solide quinquagénaire, adepte du footing, ayant une inclinaison particulière par la mère de la disparue, sa boulangère fétiche, épiant ses voisins pour tromper sa solitude et utilisant sa montre dictaphone pour y consigner tout élément intéressant. Il y a quelques jolis moments scénaristiques, comme dans le vingt-cinquième chapitre, avec une révélation inattendue quant à la famille de Carpentier ainsi que la mise en œuvre d’une singulière manipulation. L’histoire sait se montrer sombre et glauque, avec des ramifications vers des pratiques pédophiles, souvent clairement assumées, même du point de vue philosophique, par ses ignobles adeptes.

    Un opus d’ébène, suffisamment trouble pour remuer les tripes et l’âme sans jamais tomber dans le voyeurisme. Une belle claque littéraire, administrée avec intelligence, suscitant de légitimes sentiments courroucés et écœurés chez le lecteur, comme ce que ressent – et fera – Carpentier dans les ultimes pages, même si Gilles Debouverie indique, dans sa postface, qu’il ne saurait cautionner un tel acte.

    12/06/2017 à 14:10 El Marco (3180 votes, 7.2/10 de moyenne) 2