Père des mensonges

(Father of Lies)

  1. Qui est Eldon Fochs ?

    Alexander Feshtig est un homme sous pression. Ce psychanalyste s’intéresse de trop près à Eldon Fochs, doyen laïc au sein de la Corporation du Sang de l’Agneau, une secte religieuse particulièrement conservatrice. Fochs est la proie de troubles du sommeil, hantés par des apparitions inquiétantes, raison pour laquelle son épouse lui a conseillé de se tourner vers la psychanalyse. Mais voilà que les supérieurs de Fochs pressent Feshtig de leur communiquer les comptes rendus de ses séances. Tenterait-on de dissimuler quelque chose ?

    Brian Evenson n’est pas un auteur angélique ; quiconque ayant déjà lu La Confrérie des mutilés ou Baby Leg pourra le certifier. Et ce n’est pas cet ouvrage qui viendra démentir sa réputation sulfureuse. Commençant de manière épistolaire, l’histoire se creuse lentement, entre révélations fiévreuses et volonté des Sanguistes d’escamoter toute révélation quant à leur si bienveillant coreligionnaire. Car Fochs n’est pas un ange, et les cauchemars qui sont censés le brutaliser pourraient bien être concrets. Si l’on peut reprocher à Brian Evenson de n’avoir jamais vraiment approfondi la psychologie du monstre, à chercher les raisons de son comportement, et donc ce qui en a fait la genèse, l’écrivain est très fort pour dépeindre les lâchetés et les rapports de force. Tandis que le loup continue de rôder, ses responsables vont tout faire pour nier les évidences, discréditer Feshtig et bâillonner les familles des plaignants.

    Nerveux et méphitique, ce récit jouit indéniablement de la plume décomplexée et venimeuse de Brian Evenson. Restant trop allusif quant à la psyché de Fochs, l’ouvrage n’en demeure pas moins brutal, impertinent, ouvertement amoral et mémorable.

    /5