Baby Leg

  1. Cauchemar éveillé

    Kraus ne sait plus où il en est. Il se réveille au beau milieu d’une forêt, amputé d’une main, et poursuivi par une mystérieuse femme armée d’une hache et dotée d’une jambe de bébé. Ce qu’il ignore encore, c’est qu’un docteur Varner est à sa recherche et qu’il ne semble pas décidé à le laisser s’en aller.

    Kafkaïen. Cauchemardesque. Monstrueux. Les qualificatifs ne manquent pas si l’on souhaite caractériser cet ouvrage de Brian Evenson. On lui devait déjà un déjanté Confrérie des mutilés où le simple synopsis, profondément atypique, offrait des perspectives détonantes de lecture. Avec ce Baby Leg, le stade de l’anormalité est amplement franchi. Cent pages d’un pur délire littéraire, où se télescopent des personnages étranges placés dans des situations baroques. Le ton est également inhabituel, au point que le lecteur perd souvent pied, entre hallucinations et distorsions du réel. Il est d’ailleurs impossible de totalement définir cet Objet Littéraire Non Identifié car, quand se tournent les ultimes pages, des questions subsistent. Quiconque pensera détenir une vérité, ou tout du moins la sienne, car Brian Evenson a éparpillé quelques clefs que tout un chacun pourra faire entrer dans des serrures de sa convenance, ouvrant les portes sur d’hypothétiques éclaircissements. Si certains pourront, bien légitimement, reprocher à l’auteur de ne pas avoir opté pour une solution unique et rationnelle, il faut soutenir, tout aussi légitimement, le choix narratif de l’écrivain d’avoir choisi de ne pas choisir. Au final, chaque lecteur, avec son ressenti et l’explication qui lui semblera la plus évidente ou la moins douteuse, partagera un arpent du cauchemar vécu par Kraus.

    /5