Le Sang des pierres

(Blodläge)

  1. Terrible nuit de Walpurgis sur l'île d'Öland

    Peter Mörner se réjouit de passer les vacances de Pâques avec ses deux enfants. Il va pouvoir leur montrer leur nouvelle maison de Stenvik, sur l'île d'Öland. Malheureusement, tout ne va pas aller comme prévu. La maladie de sa fille, plus grave qu'il n'y paraissait, va nécessiter son hospitalisation.
    Dans le même temps, des studios où sont tournés des films pornographiques sont ravagés par les flammes. Jerry, le père de Peter, est l'un des propriétaires des lieux. Il est finalement sauvé de l'incendie mais on retrouve deux corps calcinés dans les décombres. La police ouvre une enquête.
    Peter se serait bien passé de devoir héberger son vieux père qui perd la boule alors que sa fille a besoin de lui.

    A la manière de Mons Kallentoft, Johan Theorin nous fait voir la Suéde sous différentes saisons. Après l'automne de L'heure trouble et l'hiver de L'écho des morts, nous retournons sur l'île d'Öland, au printemps cette fois-ci. La glace du détroit commence à fondre et les maisons de vacances se remplissent peu à peu, ce qui agace Gerlof au plus haut point. On retrouve ici avec plaisir le sympathique octogénaire mis en scène par l'auteur dans ses précédents romans — et inspiré par son grand-père, lui-même pêcheur. Autour de Gerlof, le village (imaginaire) de Stenvik s'agrandit, avec la construction de maisons secondaires, et le lecteur fait donc connaissance avec ce nouveau voisinage. On rencontre bien sûr Peter, le personnage principal de ce roman, ses deux enfants, Jesper et Nilla, ainsi que son père, Jerry. Ce dernier est un retraité de l'industrie du porno, détesté par son fils qui ne souhaite pas qu'il fréquente ses propres enfants. On découvre aussi le couple Larsson, Vendela et Max. Lui écrit des livres de développement personnel et même des ouvrages de cuisine et en tire une grande fierté, alors qu'il sait à peine cuire un oeuf. En vérité, c'est elle qui, dans l'ombre, fait le principal du travail. Vendela, née sur l'île, est triste en amour — son couple bat de l'aile — et croit plus que jamais aux Elfes auxquels elle prête de nombreux pouvoirs.
    Les amateurs de thrillers musclés seront peut-être déroutés par la lenteur de l'intrigue, notamment de sa mise en place — il ne se passe rien de « policier » pendant les quatre-vingts premières pages. Comme souvent dans le polar scandinave, l'auteur prend son temps pour rendre une atmosphère, des paysages, pour décrire des personnages, leur état d'esprit, ... et il le fait très bien. Les légendes anciennes — nuit de Walpurgis, Elfes et autres Trolls — contribuent à instaurer cette ambiance particulière, et c'est précisément du passé que vont ressurgir les vieilles histoires à l'origine des problèmes actuels de la famille Mörner. Intelligemment, Johan Theorin joue avec son lecteur, distillant les informations au compte-goutte de manière à le tenir en haleine. Peu à peu, les rebondissements se font plus rapprochés, jusqu'à un final très réussi à plusieurs niveaux, riche en action et en révélations — on se souviendra d'une scène de course-poursuite mémorable et pour le moins particulière.

    Fidèle à lui-même, Johan Theorin signe avec Le sang des pierres un polar efficace qui donne envie de les retrouver, lui et Gerlof, dans leur prochaine enquête. On conseillera au lecteur désireux de découvrir ce jeune et talentueux auteur suédois de commencer par L'heure trouble — désormais disponible en poche — qui est sans doute son meilleur roman.

    /5