Florida Roadkill

  1. Cocktail givré en Floride

    Serge et Coleman, deux types que beaucoup qualifieraient de psychopathes, vont rencontrer la superbe Sharon, une espèce de mante religieuse qui épouse de riches types avant de les éliminer – souvent de façon originale – pour mieux récupérer leur assurance vie. En virée, les trois dingos (qui carburent à tout et n'importe quoi pourvu que ça procure des sensations fortes) vont tomber sur Veale, un orthodontiste aussi riche que magouilleur. Ce dernier a le malheur de clamer haut et fort qu'il a fait assurer ses mains à hauteur de cinq millions de dollars. Il va être victime d'un « malheureux accident » de tronçonneuse puis amené aux urgences avec quelques doigts en moins. Mais alors que le trio pensait le contraindre à verser les millions promis par l'assurance, Veale parvient à prendre la poudre d'escampette. Commence alors une virée haute en couleurs dans toute la Floride du sud.

    De la lecture des premières pages de Florida Roadkill ressortent plusieurs impressions : c'est drôle, déjanté à souhait, mais aussi (de fait ?) très décousu. Le roman, choral, passe d'un personnage à un autre, puis à un autre, tous plus foutraques les uns que les autres, sans qu'on ne comprenne toujours où l'auteur veut en venir. Peu à peu notre cerveau s'habitue à cette gymnastique et l'on prend plaisir, au fil des pages, à retrouver les différents énergumènes précédemment évoqués. Au final, c'est habilement construit car ils joueront tous tôt ou tard un rôle dans les pérégrinations de Serge, Coleman et Sharon. Les membres du trio se disputent, s'aiment (sauvagement), picolent, fument, regardent le baseball, mais surtout, cherchent à mettre la main sur les millions évaporés dans la nature. Et pour ça, pas de pitié, tous les moyens sont bons.
    Comme Serge, Tim Dorsey, qui a été reporter au Tampa Tribune pendant une douzaine d’années, est un vrai passionné de la Floride. Avec eux, on découvre avec plaisir l’État ensoleillé et ses habitants, sans doute pas tous aussi givrés dans la réalité, espérons-le.
    Au programme de ce road trip déjanté avec en fil rouge la finale des World Series : le cartel le moins dangereux du monde (le bien-nommé « Cartel de Mierda »), un bébé caïman congelé, un meurtre commis à l'aide d'une navette spatiale modèle réduit, un assureur qui meurt à cause des clauses qu'il a lui-même écrites pour escroquer les clients, un présentateur radio élu sénateur grâce à son homophobie affichée, des « bikers » sans moto refusés par tous les Hell’s Angels, ou encore une procession de sosies d'Ernest Hemingway !

    La lecture des aventures de Serge & co n'est pas forcément des plus faciles au premier abord mais, pour peu qu'on s'adapte à ce rythme endiablé, on passera une belle partie de plaisir. Tim Dorsey a l'imagination débridée au possible et rarement on aura autant ri en découvrant, comme certains policiers du roman, des crimes abracadabrantesques. On retrouvera Serge et la Floride dans plusieurs autres romans parus chez Rivages.

    /5