L'Os est Pointé

(The Bone is Pointed)

  1. Disparition dans la brousse australienne

    Un matin d’avril, un cheval rentre seul à Karwir, une exploitation au cœur du bush australien. Où a pu passer son cavalier, un employé du nom de Jeffery Anderson ? C’est ce que se demandent les Lacy, propriétaires des lieux, bientôt aidés dans leurs recherches par tous les habitants du secteur d’Opal.
    Cinq mois plus tard, on ne sait toujours pas si Anderson est parti de son plein gré, ni même s’il est encore en vie. C’est ce que va devoir déterminer l’inspecteur Bonaparte – mais appelez-le Bony, il préfère – dépêché de Brisbane pour l’occasion. Lisant le « Livre de la Brousse » mieux que n’importe quel policier, cet inspecteur métis va rapidement faire parler les indices, qui semblent laisser deviner un crime. Trop rapidement même pour certains, qui vont jeter un maléfice aborigène mortel, en pointant l’os sur lui. Le meurtre a-t-il été commis par un membre de la tribu Kalshut ou bien est-ce ce qu’on essaie de faire croire ?

    Arthur Upfield – né en 1888 – délaisse rapidement son cadre de vie bourgeois et son Angleterre natale pour vivre de petits boulots dans la brousse australienne. On ressent tout au long de ce roman policier l’amour de l’auteur pour ces étendues gigantesques où la magie de la nature opère, comme lors de la grande migration des lapins, qu’il retranscrit avec précision. Les paysages sont magnifiquement décrits au gré des voyages des personnages, aussi bien à cheval qu’en avion.
    Parallèlement se déroule l’enquête, que certains lecteurs pourront trouver lente, mais qu’on ne perd jamais de vue. Comme le dit lui-même Bony, assez rebelle dans son genre : « l’autorité hiérarchique, le temps ne représentent pas grand-chose pour moi, l’enquête, en revanche, tout ». L’inspecteur Bonaparte prend donc son temps – l’enquête dure plusieurs mois – et se moque bien des ordres envoyés par ses supérieurs. Au fil de ses recherches, il est amené à croiser de nombreux personnages, toujours bien dépeints par l’auteur. C’est notamment le cas des Aborigènes, qu’Upfield a personnellement côtoyés, et qu’il défend avec ardeur, avançant des idées de tolérance peu évidentes à l’époque pour les Blancs. Enfin, comme dans tout whodunit, les principaux personnages sont soupçonnés tour à tour, jusqu’à ce qu’un Bony amaigri et exténué par ses efforts nous livre ses conclusions sur l’identité du criminel.

    Soixante-dix ans après – il a été écrit en 1938 – L’os est pointé demeure un bon polar et un magnifique hymne au bush australien. De plus, c’est ce roman – parmi les trente consacrés à l’inspecteur Bonaparte – qui a donné envie à Tony Hillerman de se lancer à son tour dans l’écriture, à tel point qu’Arthur Upfield est unanimement considéré comme le père du roman policier ethnologique.

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