La revanche des crapauds cracheurs

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  • 1/10 Un opus très étrange, et qui me met, chose rarissime, dans un état de doute sans fin. De prime abord, on pourrait penser à un roman à suspense, où les crapauds remplacent les requins ou les araignées, bref, une sorte de « Dents de la terre » pour enfants. Néanmoins, au moins en ce qui me concerne, la sauce n’a pas pris, et ce que j’ai ingéré m’est resté sur l’estomac. Les scènes de frisson m’ont laissé de marbre. Complètement. Presque sur toute la ligne, ça ressemblait à un nanar, avec des clichés par brouettes : le méchant scientifique au rabais avec ses expériences génétiques (dont personne ne sait ni n’explique pourquoi elles ont été réalisées, parce que, tout de même, il faut avoir envie de faire des manipulations aussi saugrenues !), engendrant des crapauds croisés avec des lézards ou des serpents, et prompts à cracher de la bave corrosive (sic !), la gentille rencontre du gentil garçon avec la gentille fille qui, ô surprise pas du tout téléphonée, se trouve être la propre enfant du chercheur, un happy end assez tarte et mal amené... L’auteur aurait pu jouer sur cet ixième degré : que nenni. Il joue sur le premier degré, et l’aspect irréaliste de la situation, voire des situations (le gamin qui va prendre une douche et dormir quand la maison est assaillie par les crapauds, par exemple), rend l’ensemble complètement bancal, voire grotesque.
    Là-dessus, l’écrivain ajoute une couche moralisatrice, qui aurait pu être intéressante mais vire au grand n’importe quoi, par manque d’inspiration ou par pure convention, avec un antidote concocté au pied levé par un enseignant de SVT à partir de pseudos écrits du Frankenstein de service, et qui permet aux cruels crapauds de devenir gentils pour contrer la révolte des méchants, voire rendre amicaux tous ces batraciens. Là, on verse littéralement dans le « oh, et si on pouvait faire de même pour les hommes, il y aurait moins de guerres ». Et paf ! Argument massue ! Démonstration irréfutable ! Il n’y a plus qu’à se taire et hocher la tête comme à la fin d’une messe. Sauf que le prêtre semble ivre comme ça n’est pas permis, et péremptoire en plus. Je me suis dit que cela était sans doute dû au fait que j’étais un adulte, que les enfants auxquels est destiné ce roman réagiraient différemment de moi. Mais ça ne tient pas, du moins pas pour moi : je n’imagine pas mes élèves prenant du plaisir à lire cet ouvrage, quel que soit leur profil scolaire ou cognitif.
    Moralité, pour moi : un nanar insondable, qui hésite sans cesse entre plusieurs genres, au point de tomber dans un burlesque pathétique. Manque d’efficacité narratif et scénaristique, histoire abracadabrante que ne rattrape aucune dérision, postulat de départ atypique qui sombre immédiatement dans un rocambolesque navrant… J’en suis presque désolé, j’ai rarement eu ce ressenti et des propos de ce genre, mais là, je me confesse, cet opus m’est passé bien loin au-dessus de ma petite tête. J’ai dû rater un angle d’approche et n’ai entraperçu qu’une vaste fumisterie. À force de ménager la chèvre et le chou, l’auteur de ce roman n’a généré que du lait caillé et du scorbut.

    23/07/2012 à 18:12 El Marco (3180 votes, 7.2/10 de moyenne)